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11 janvier 1952 : Mort du Maréchal Jean de Lattre de Tassigny

Né en 1889 à Mouilleron-en-Pareds (Vendée), d’une famille aux racines allant du Bas-Poitou à la Wallonie, Jean Marie Gabriel de Lattre de Tassigny sort de Saint-Cyr en 1909 dans la Promotion Mauritanie.

Pendant la Grande Guerre, il combat comme Lieutenant dans le 12e Régiment de Dragons puis dans  le 93e Régiment d’Infanterie à Verdun et au Chemin des Dames. Il sera blessé deux fois, décoré de la Croix de Guerre et de la Military Cross (décoration britannique) et recevra huit citations. Il sert ensuite à l’état-major du Général Weygand avant d’être nommé commandant du 151e RI à Metz.
De 1921 à 1926, il sert au Rif Marocain contre les Berbères et finit Chef d’état-major à Taaza.
Il reçoit ses étoiles de Général de Brigade en 1939, ce qui fait de lui le plus jeune officier français qui accède à se grade.

En 1940, il commande la 14e Division d’Infanterie avec laquelle il résiste opiniâtrement à l’ennemi en reculant pied-à-pied jusqu’en Bourgogne.
D’abord légaliste envers le Gouvernement du Maréchal Pétain, il devient commandant de la 13e Division Militaire de Clermont-Ferrand (formation des cadres), directeur de l’école des cadres de Salammbô puis chef de la 16e Division de Montpellier.
En novembre 1942, il refuse l’ordre de ne pas résister aux forces allemandes envahissant la Zone Libre et est interné à Montluc. Il s’évade et rejoint l’Afrique du Nord.
De Gaulle qui n’apprécie que moyennement le nomme commandant de l’Armée B qui devient la Ire Armée Française qu’il réorganise.
Il organise la prise de l’Île d’Elbe en juin 1944. Ensuite, la Ire Armée devient le second élément principal du 6th Army Group du Général Jacob L. Devers.

La Ire Armée débarque en Provence après le 15 août et libère le Var, avant de remonter la vallée du Rhône, puis déboucher en Bourgogne et en Franche-Comté. Mais en octobre 1944, le temps se gâte et les lignes logistiques de la Ire Armée qui partent de Marseille sont trop étirées et le IInd Corps de Monsabert se troupe bloqué dans les Hautes-Vosges. Après réorganisation, de Lattre reçoit l’ordre de percer les lignes de la 19. Armee allemande dans le secteur de Belfort afin de déboucher en Haute-Alsace. Son offensive démarre le 14 novembre (voir Campagne des Vosges) par un temps hivernal. Le IInd CA de Monsabert distrait les Allemands dans les Hautes-Vosges, tandis que le Ier Corps de Béthouart (2nd DIM, 9e DIC, 1re DB et 5e DB) enfonce les lignes de la 338. Infanterie-Divisionen et sempare de Montbéliard et de Belfort. De Lattre ordonne ensuite au Général Touzet du Vigier de foncer sur Mulhouse qui tombe fin novembre. Seulement, une contre-attaque improvisée menée par les restes de trois divisions allemandes et d’une brigade de Panzer empêche la 5e DB et d’autres unités non endivisionnées (RICM, 9e Zouaves) de percer la ligne Thann Cernay. Si elle est repoussée, cette contre-offensive empêche de Lattre de prendre Colmar selon le calendrier prévu. Devers lui ordonne alors de prendre la cité en décembre mais la Ire Armée est épuisée et le ravitaillement arrive au compte-goutte. Cela permet à Heinrich Himmler qui vient de prendre le commandement du Groupe d’Armées Ober-Rhein de renforcer le dispositif allemand dans la poche. La décision du Général de Lattre d’arrêter temporairement son offensive provoque la fureur de Leclerc avec qui il est en conflit larvé mais aussi du Général Henri de Vernejoul, le commandant de la 5e DB (voir Campagne d’Alsace).

En janvier 1945, Himmler déclenche une contre-attaque dans le secteur de Rhinau qui est repoussée par la Ire Armée. Durant le mois de février, de Lattre planifie et coordonne le nettoyage de la Poche de Colmar qui s’achève en février après de furieux combats. Mais il doit faire appel à l’aide du XXIst Army Corps américain du général Frank W. Milburn (3rd, 28th et 75th Divisions) pour réduire les points de résistance allemands. L’action des Américains est notamment déterminante pour libérer le Canal de Colmar, le Canal Rhin-Rhône, ainsi que Neuf-Brisach. Mais beaux joueurs, les Américains laissent les Combat Commands de la 5e DB, le 152e RI et les paras du 1er RCP entrer les premiers dans Colmar le 2 février.

Les 30-31 mars 1945, la Ire Armée passe le Rhin à Gambersheim en face de Spire. Les combats contre le LXXX.X Armee-Korps sont particulièrement durs mais les 9e DIC, 3e DIA et 4e DMM finissent par prendre solidement pied sur la rive droite du fleuve et à y jeter des ponts et envahit le Palatinat. Peu de temps après, le Général de Gaulle et de Lattre traversent symboliquement le Rhin sur un pont du Génie. Le 4 avril, la Ire Armée sempare de Karlsruhe. Désobéissant aux ordres du Général Devers, de Lattre lâche Montsabert contre la ville de Stuttgart qui tombe après une rocade en pleine Forêt noire le 22 avril.  La Ire Armée achève la guerre à Arlberg.

Le 8 mai 1945, il signe au nom de la France la reddition sans condition des troupes du IIIe Reich à Berlin aux côtés de le Maréchal Georgi K. Joukov, le Général Carl Spaatz (États-Unis) et l’Air Marschall Arthur Tedder (Grande-Bretagne). Le Feldmarschall Wilhelm Keitel eut alors ces mots : « les Français ! Il ne manquait plus qu’eux ! ».
A titre anecdotique, après la capitulation nazie, le Général de Lattre de Tassigny fut convié à une réception que donnait le Maréchal Joukov. Ce dernier n’étant guère connu pour ses distractions originales, fit pourtant état d’autres qualités que celles qu’il déploya depuis 1941. En effet, Joukov se lança dans une brillante démonstration de danses cosaques, discipline qu’il pratiquait à merveille (1).

En 1950, il est envoyé d’urgence en Indochine en tant que Haut-Commissaire au Tonkin afin de rétablir une situation critique face au Vietminh de  Hô Chi Minh et de Vô Nguyen Giap. De Lattre modifie les techniques de combat et attire les Communistes vietnamiens sur son terrain. S’ensuivent alors les victoires de Mao-Khé et de Ninh-Binh (1951).

Malade et profondément affecté par la mort de son fils au combat, le Maréchal de Lattre est rappelé en France fin 1951. Il décède donc le 11 janvier 1952. Ces funérailles sont célébrées à Notre-Dame-de-Paris et il est élevé au Maréchalat. Il repose maintenant en Mouilleron-en-Pareds.

Il était titulaire notamment de la Légion d’Honneur, de la Médaille de la Libération, de trois Croix-de-Guerre, de la Distinguished Service Medal, de la Legion of Merit, de l’Ordre de Souvorov, de la Grand Croix de l’Ordre du Lion Blanc (Tchécoslovaquie) et de la Grand Croix de l’Ordre de Saint-Olaf (Norvège).

Lire : 
HENNIGER Laurent (dir.) : Les Maréchaux Soviétiques parlent, Perrin
AUBIN Nicolas, BIHAN Benoîst, BOUHET Patrick : L’Armée française de 1943-1945. Une douloureuse résurrection. in LOPEZ Jean & HENNIGER Laurent : Guerres & Histoire N°24, avril 2015