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Chroniques de la Bataille de Normandie – 39/ La Poche de Falaise (Fin)

7 – LE II. SS-PANZER-KORPS CONTRE-ATTAQUE 

– Sur Maczuga, les combats font toujours rage entre les Polonais de Stefanewicz et les Allemands. Les éléments de combats des Groupements Stefanewicz et Kosztutski sont positionnés de la façon suivante : 1er BC de Podhale au sud-ouest, (Coudehard et Manoir de Boisjos), le 9e BCP au sud avec le 1er RB, le 8e BCP au nord-est, flanqué des chars du 1er RB au nord. Le manque de munitions se fait alors cruellement sentir et les Canadiens n’ont toujours pas forcé Saint-Lambert et le Gué de Moissy.

Panther_mont_ormel_03– Dans le secteur de Coudehard, deux compagnies du Bataillon de Chasseurs de Podhale doivent repousser une attaque allemande à la baïonnette. De l’autre côté de la Touques, Model monte alors une contre-attaque avec les derniers chars et Panzergrenadiere du II. SS-PzK de Bittrich. L’objectif et de desserrer l’étau pour permettre aux dernières forces allemandes de s’extraire du Couloir de la Mort. L’assaut doit être mené en coopération avec le II. SS-Fallschirm-Korps de Meindl (3. Fallschirm-Division et 353. ID), qui bénéficie toujours d’une liaison radio avec les forces situées à l’extérieur de la poche.

– Le plan du Pompier du Führer vise à submerger les positions polonaises. Appuyés par des mortiers lourds, le SS-Panzer-grenadier-Regiment 4 « Der Führer » du SS-Obersturmbannführer Otto Weidinger (celui d’Oradour-sur-Glane) doit frapper dans le secteur du Manoir de Boisjos. Pendant ce temps, des Panzer et des fantassins de la 2. SS-PzD « Das Reich » (Otto Baum) doivent lancer un assaut de diversion contre les positions polonaises situées au nord et au sud de la Cote 262. Enfin, les éléments disponibles de la 9. SS-PzD « Hohenstaufen » de Friedrich-Wilhelm-Bock doivent lancer un assaut sur la Cote 240 afin d’empêcher les Canadiens de rejoindre les Polonais.L’attaque démarre le 20 août. Après les tirs de mortiers préparatoires, les Panzergrenadiere du « Der Führer » se lancent à l’assaut du Manoir de Boisjos en entonnant le « Deutschland über alles » pour se faire violemment repousser par les Chasseurs à Pied de Podhale, le 9e BC et l’artillerie de la 1re DB que commande le Colonel Noël (qui n’est pas Français malgré son patronyme). Comte-tenu du manque de munitions, un commandant de compagnie polonais va jusqu’à ordonner à ses hommes de tirer sur les Allemands à bout portant. Malheureusement, en haut de Maczuga, cinq chars Sherman du 1er RB sont détruits par un Panther de la « Das Reich » soigneusement embusqué. C’est alors que la 3. Fallschirm-Division de Richard Schimpf surgit au sud-ouest et à l’ouest de la Cote 262, appuyées par des canons-automoteurs StuG de la 1. SS-PzD « Leibstandarte AH ». Mais là encore, l’attaque est repoussée par le feu des polonais avec l’appui des canons de campagnes de 25 livres de la 4th Canadian Armoured Division. Plusieurs vagues d’assaut allemandes se font littéralement massacrer, le Generalleutnant Schimpf est lui-même grièvement blessé. Sauf que lorsque les parachutistes se voient stopper dans leur élan, la « Das Reich » reprend son assaut avec chars et fantassins, chargeant une fois de plus sur les Polonais qui sont bousculés. Pendant ce temps, la « Hohenstaufen » repousse sans grande difficulté les éléments canadiens au niveau de la Cote 240, alors qu’ils tentent de porter secours aux Polonais. Seul, le 8e BC de Nowaczynski tient bon à l’est de Maczuga, à la grenade, au poignard et à la baïonnette. Au manoir de Boisjos, ont voit même des soldats du BC de Podhale se battre à la bouteille. Blessé, le Colonel Stefanewicz croit sa dernière heure arrivée et dit à ses officiers : « Messieurs c’est la fin, il est inutile de se rendre aux SS. Mourons pour la Pologne et la civilisation. ».

Étendard du 1er RB Polonais

Étendard du 1er RB Polonais

Insigne du 1er RB

Insigne du 1er RB

– Finalement, les restes de la 353. ID de Paul Mahlmann parviennent à forcer le Couloir de la Mort et établissent leur jonction avec la « Das Reich ». Cela permit alors à Otto Baum et Weidinger de lancer une attaque en force, avec d’autres unités, contre le flanc-est des Polonais. Le combat reprend, tout aussi violent, forçant les Sherman à tirer de tous côtés avec leurs mitrailleuses. L’assaut est encore repoussé à l’aide d’un canon antichar de 17 pdr qui détruit plusieurs Panzer IV à bout portant. Cela permet aux Chasseurs à Pied des 8e et 9e BCP de repousser les éléments de la 353. ID de la pente est de Maczuga. Durant cette furieuse journée, les Polonais se sont tout de même payer le luxe de faire prisonnier le Generalleutnant Otto Elfeldt, commandant du LXXXIV Korps.

– Suite à ce sanglant match nul, la situation se calme, ce qui permet à von Funck de faire franchir le couloir de la mort à son XLVII. PzK. Seuls, une partie du II. FjK et le LXXIV. AK de Straube sont encore dans la poche, avec la 116. PzD en queue de progression. Quelques combats sporadiques éclatent ici et là entre le Mont-Ormel et Chambois. Le 21 août durant la matinée, des C-47 Dakota parachutent des containers sur Maczuga mais en raison d’une erreur de navigation, ils tombent tout droit dans les lignes canadiennes. Les Allemands relancent alors leurs attaques sans réelle coordination. Mais elles s’avèrent suffisantes pour menacer le secteur polonais d’anéantissement. Là encore, l’artillerie polonaise et canadienne repousse les contre-attaques.
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Insigne des Canadian Grenadier Guards (22e Régiment Blindé)

Insigne des Canadian Grenadier Guards (22e Régiment Blindé)

– Les derniers à s’en prendre aux lignes polonaises sont (peut-être) des éléments de la 12. SS-PzD « Hitlerjugend »  de Meyer qui attaquent au niveau de Coudehard. Ils se font violemment repousser par les hommes du 9e BC de Sydlowski qui les accueillent à bout portant. Finalement, les Polonais voient leur délivrance grâce à l’arrivée du 22nd Canadian Grenadier Guards qui  parviennent aux pieds des coteaux du Mont-Ormel. C’est alors que, n’y tenant plus, les chasseurs à pied s’élancent en hurlant dans une furieuse contre-attaque contre parachutistes et Landser qui brise leur encerclement. Les éléments de la 116. PzD qui ferment la marche finissant par se retirer.

– Pendant le reste de la journée du 21, quelques petits groupes d’allemands isolés tentent de forcer le passage mais la majorité se fait facilement repousser. D’autres, plus chanceux réussissent à contourner les défenses polonaises pour aller accrocher le train des fuyards. De leur côté, les vaillants polonais reçoivent le ravitaillement et les médicaments tant attendus. Sur plus de 2 000 hommes déployés autour de Maczuga, seuls près de 600 sont encore valides ! 325 ont été tués, 1 002 sont blessés et 114 sont portés disparus.

8 – BILAN

Le 22 août, tout est fini. Grâce aux efforts de l’Abbé Launay curé de Chambois, les derniers soldats allemands présents dans la poche se rendent. Ils sont 50 000… sur 230 000 le 17 août ! 12 000 cadavres d’allemands gisent dans la vallée de la Dives. Incontestablement, leurs pertes ont été effroyables. Et ce n’est pas tenir compte des 10 000 chevaux tués, comme des 200 chars, 130 blindés légers et de transports et des 5 000 véhicules en tout genre. Visitant cette partie du front, Eisenhower déclare : « Il était possible pendant des centaines de mètres de ne marcher que sur des restes humains en décomposition, dans un silence pesant, dans une campagne luxuriante où toute vie avait brutalement cessé… C’est l’une des plus grandes tueries de la guerre ».

– Seulement, ces 50 000 prisonniers (blessés, Ostruppen contents d’arrêter là la guerre, vieux et jeunes peu motivés et malchanceux n’ayant pas réussi à s’échapper) ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. La décision de Bradley de réaffecter le XVth Corps d’Haislip vers la Seine a incontestablement pesé dans l’issue de la bataille. Elle a coûté l’anéantissement de plusieurs autres milliers d’hommes qui ont pu s’extraire du Chaudron.
Si la victoire alliée est incontestable, les 100 000 soldats rescapés passeront la Seine avant les forces alliées pour gagner les frontières du Reich. Cet apport d’hommes qui ont connu la dureté du feu ne sera pas de trop pour la défense des frontières. Et ce sont d’ailleurs les éléments des Hohenstaufen et Frundsberg qui contribueront à mettre l’opération Market Garden en échec en Hollande en septembre 1944. Néanmoins les Alliés ont remporté un réel succès en faisant sauter le verrou qui les bloquait pour la Libération de la France, celle-ci ayant été accélérée par le Débarquement de Provence. L’heure est maintenant venue de se lancer vers la Seine, hormis la 2e DB qui attend l’ordre de foncer sur Paris.

– En revanche, il faut souligner les pertes effroyables du côté des civils normands qui ont sans doute payer le plus lourd tribut de la bataille. La majeure partie des tués étant due bien sûr, aux bombardements aériens. On dénombre plus de 34 000 morts et plus de 38 000 blessés si l’on compte à partir des bombardements préparatoires antérieurs au Jour-J. La majorité des villes des départements de la Manche et du Calvados ne sont plus que des champs de ruines, excepté Bayeux qui fait apparaît presque comme miraculée. Dans le Calvados, près de 76 000 habitations sont réduites en cendres. Beaucoup de normands ne trouveront refuge qu’à l’extérieur de la région s’ils en ont les moyens, dans la Vienne ou jusque dans le Puy-de-Dôme comme le souligne Jean Quellien. Beaucoup d’autres devront se contenter de baraquements fournis par les Alliés et parfois jusque dans les années 1950.