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12 septembre 1213 : Bataille de Muret

Cette bataille marquant la fin de la Croisade des Albigeois s’inscrit dans un contexte aussi religieux que féodal. En outre, si Philippe Auguste n’y prit aucune part, laissant agir ses vassaux croisés, la victoire de Muret sur les Seigneurs du Midi et le Roi d’Aragon et Comte de Provence, aura des répercussions durables pour la couronne capétienne.
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Si l’on voulait faire un peu de géopolitique médiévale, l’enjeu de la croisade des Albigeois possédait certes, une forte composante religieuse (influence de la Papauté sur les Seigneurs d’Occident, lutte contre l’hérésie) mais aussi, une composante féodale en rapport direct avec la domination du Midi de la France, où étaient impliqués, la Papauté incarnée par l’énergique Innocent III, le Royaume d’Aragon de Pierre II (qui possédait aussi le Comté de Toulouse par jeu d’héritage), Raimond VI Comte de Toulouse (beau-frère de Pierre II d’Aragon), l’un des plus puissants seigneurs de son temps, ainsi que Raymond-Roger Comte de Foix et Bernard IV de Comminges. Bien entendu, les grands seigneurs du Midi voient d’un très mauvais œil l’implication d’Innocent III dans la région dans sa volonté de mettre fin à la propagation de lu catharisme et se montre complaisants – sinon carrément sympathisants – de la cause cathare.

Ainsi, lorsqu’en 1209, Innocent III lance l’appel à la Croisade contre les Cathares et Albigeois, il reçoit l’écho favorable des Chevaliers du Nord de la France. Le Pape veut d’abord confier la Croisade à Philippe Auguste mais le Roi de France décline l’offre car il est trop préoccupé par les Flandres et les Plantagenêts. Innocent III désigne alors le Légat Arnaud Amaury chef de la Croisade dite des Barons, avant d’être remplacé par Simon IV de Montfort, doué d’une solide expérience militaire en Orient. Certains barons français ne sont pas motivés que par le combat au nom du Christ mais espèrent aussi acquérir des terres dans le Midi. Toutefois, comme l’explique l’historien médiéviste Martin Aurell, beaucoup d’hommes de Simon de Montfort sont sûr de leur droit et se croisent pour défendre l’Orthodoxie chrétienne face aux Cathares accusés de corrompre la Vraie Religion. En outre, Innocent III leur accorde les mêmes privilèges spirituels et juridiques que leurs frères d’armes, cousins, parents ou amis qui sont partis en Terre Sainte. Quelles que soient leurs motivations, les barons français bénéficient d’une bonne cohésion et sont bien mieux commandés que leurs adversaires.
Le sujet donne aussi l’occasion de montrer que le terme de Croisade peut-être employé ailleurs que pour la Terre Sainte. L’exemple Albigeois le montre mais il n’est pas un cas unique durant le Moyen-Âge classique. On assistera aussi à une autre Croisade, brutale elle aussi, menée par les Chevaliers Teutoniques dans les terres Baltes contre les tribus païennes de Lithuanie (cf. S. Gouguenheim, Les Chevaliers 

Après la terrible campagne de 1209 qui a vu Simon IV de Montfort s’emparer d’Albi, Carcassonne et Béziers, une trêve est conclue mais vite rompue du fait que les évêques languedociens souhaitent reprendre le combat de reconquête. Répondant à l’appel des Comtes de Foix, de Comminges et de Toulouse et auréolé de son prestige obtenu par sa victoire sur les Almohavides à Las Navas de Tolosa (1212), Pierre II d’Aragon (surnommé le Tueur de Maures) se porte dans le Midi de la France, décidé à affronter les barons du Nord de la France.
Subtilité de la société féodale, Simon IV de Montfort avait prêté l’hommage à Pierre II pour devenir Vicomte de Carcassonne et de Béziers. Mais lorsque le Roi d’Aragon franchit les Pyrénées, il reçoit alors l’hommage de Raymond-Roger, Raymond VI et de Gaston VI de Béarn. Devant cet acte, Philippe Auguste veut envoyer son fils Louis auprès des Barons mais il doit y renoncer compte-tenu des menées de Jean Sans Terre.

La rencontre a donc lieu le 12 septembre 1213 à Muret sur les bords de la Garonne. Déjà, les coalisés de Languedoc assiègent la forteresse de Muret, tenue par trente français qu’ils massacrent. Les Coalisés comprennent alors 900 hommes du Comte de Toulouse, 400 du Comte de Foix et 900 Aragonais. En face, Simon IV de Montfort commande à deux Batailles, chacune commandée par Guillaume des Barres et Bouchard de Marly.

La bataille commence lorsque Guillaume des Barres enfonce la Bataille du Comte de Foix qui doit se retirer auprès de Pierre d’Aragon. D’autres chevaliers français menés par Bouchard de Marly s’en prennent avec succès aux Aragonais et Toulousains. Deux barons, Alain de Roucy et Florent de Ville décident de mener leurs hommes à l’assaut des positions de Pierre II. Mais c’est l’un des vassaux du Roi d’Aragon portant ses habits et couleurs qui est tué à sa place. Ceci provoque la panique dans les rangs occitans. Pierre II tente de rassembler ses gens en les haranguant. Mais il est vite encerclé et tué.

Raimond VI prend alors la fuite sans combattre. Mes Barons francs vengent alors les hommes d’armes passés par les armes dans la forteresse en anéantissant presque tout le contingent des milices toulousaines, leurs survivants tentant de trouver leur salut en franchissant la Garonne. Raimond VI part se réfugier en Angleterre, laissant les Consouls de Toulouse négocier avec les barons.

Pour conclure, comme l’explique toujours Martin Aurell, la bataille de Muret a pour conséquence d’anéantir les prétentions d’Aragon sur cette partie du Midi de la France. Simon IV de Montfort devient alors le nouveau maître du Languedoc mais derrière lui, c’est la Couronne capétienne qui avance vers le sud. Lorsqu’il meurt en 1218, tué par un boulet de pierre sous les murs de Toulouse, c’est son fils Amaury de Montfort qui hérite de ses possessions languedociennes. Amaury deviendra même Connétable de France. En 1229, Saint Louis – plutôt sa mère Blanche de Castille alors régente – impose définitivement la puissance montante capétienne en Languedoc. Ne pouvant donc se tourner vers le nord des Pyrénées, Jacques Ier d’Aragon (le fils de Pierre II) trouve un autre champ d’expansion contre les Almohavides d’al-Andalus, dans les Baléares et à Valence.

Sources :

– AURELL Martin : La Bataille de Muret, La Nouvelle Revue d’Histoire, N°68
– AURELL Martin : Bataille de Muret, http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr
– Introduction  du Colloque du 61e Congrès de Muret : Le temps de la bataille de Muret, http://www.archives.cg31.fr