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17 août 1944 : Libération de Saint-Malo

1 – SITUATION OPÉRATIONNELLE AU DÉBUT DU MOIS D’AOÛT 1944

– Pour commencer il faut replacer la situation de la Bretagne dans le contexte opérationnel de l’été 1944. Avec le débarquement et la bataille de Normandie, la région a été quelque peu vidée des grandes unités de la Wehrmacht qui y stationnaient avant le 6 juin ; en effet le II. Fallschirm-Korps de Meindl est parti en Normandie sitôt le débarquement allié, le LXXIV. Korps de Straube a été envoyée en renfort en Normandie fin juillet et le XXV. Armee-Korps du General der Artillerie Wilhelm Fahrmbacher a été vidé de près de 50 % de ces effectifs et se retrouve à devoir couvrir toute la Bretagne presque à lui tout seul, avec la seule aide des éléments de la Kriegsmarine basés dans les ports abritant les bases sous-marines comme Brest, Lorient et Saint-Nazaire.
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– Quant la Luftwaffe, elle ne peut aligner qu’une poignée d’appareils. Ainsi, le rapport d’activités du XXV. Korps montre que l’unité n’a eu comme seule mission de surveiller les côtes bretonnes et lancer des opérations contre les Maquis du Morbihan (Saint-Marcel). Sauf que la situation empire à la fin du mois de juillet. Déjà le 13 juillet, lors de la conférence de Saint-Malo qui réunit Paul Hausser commandant de la 7. Armee, Erich Straube et Wilhelm Fahrmbacher, l’idée d’abandonner Saint-Malo est évoquée par le commandant du XXV. Korps.
Seulement, Hausser qui obéit aux ordres supérieurs refuse catégoriquement. Donc, rien ne change pour ce qui est de la défense de la Bretagne.

– Mais suite au succès foudroyant de l’Opération Cobra, le LXXIV. Korps de Straube est appelé en urgence dans le secteur d’Avranches afin d’enrayer la charge de la Cavalerie de Patton. Pour les officiers allemands, l’urgence de la situation implique de retenir les divisions mécanisées et motorisées de Patton le plus longtemps possible en les enlisant dans des combats de siège contre les ports bretons. Toutefois, cela implique le risque de sacrifier des troupes – se retrouvant dos à la mer et sans ravitaillement – qui auraient pu être utiles ailleurs. Mais il reste que le but avoué est d’épuiser les troupes américaines par une défense acharnée qui ne doit cesser qu’au dernier soldat tué.

– En fait, depuis la reddition de Cherbourg le 27 juin 1944, Hitler veut s’assurer que les commandants des places fortes de Bretagne et du Pas-de-Calais ne puissent capituler de la même façon. Il ordonne alors que les Festungen tiennent « jusqu’au dernier homme et jusqu’à la dernière cartouche ». Autre argument qu’avance Hitler : puisque les forteresses étaient tenues par des divisions statiques (il est vrai assez pauvres en matériel motorisé), on ne pouvait les utiliser efficacement dans des opérations mobiles. Il leur faut donc combattre jusqu’à la fin, dos à la mer et détruire les installations portuaires.

– Seulement, cette décision se révèle très impopulaire au sein de l’Oberbefehlshaber West (Haut-Commandement de l’Ouest) étant donné l’implication d’abandonner une quantité non négligeable d’hommes (pas moins de 50 000 pour la seule Bretagne !) et de matériels qui auraient été bien plus utiles ailleurs. C’est ainsi que le Generalfeldmarschall Hans-Günther von Kluge, « Hans le Sage », qui a remplacé Erwin Rommel à la tête du Heeres-Gruppe B, attribue à Fahrmbacher la direction de la Festungsschlacht ou « bataille des forteresses » en Bretagne dès le 2 août. Seulement, il s’agit d’une action complètement indépendante des Opérations en Normandie. C’est alors que Bernhard Ramcke, commandant de la 2. Fallschirmjäger-Division, fait savoir à Hermann Goering (les divisions de parachutistes malgré leur vocation de combat terrestre n’appartiennent pas à la Heer mais à la Luftwaffe), que Fahrmbacher – qu’il déteste – n’est pas capable de remplir cette tâche – compte tenu de ses résultats médiocres à la tête du LXXIV Korps en Normandie durant une semaine en juin.

– Mais Wilhelm Fahrmbacher comprend les ordres de von Kluge avec le raisonnement suivant : les commandants des garnisons de Saint-Malo, Brest, Lorient et Saint-Nazaire devaient défendre les bases navales et sous-marines afin d’empêcher les Américains d’utiliser les ports bretons pour y faire débarquer du ravitaillement. Ce raisonnement était plutôt juste étant donné l’importance de Brest. Et même si Saint-Malo n’avait qu’une capacité moyenne, il y était aisé d’y faire débarquer de l’approvisionnement. Sauf qu’il y avait un problème non négligeable du côté allemand ; les commandants de Forteresse n’avaient sous la main aucune unité constituée en tant que tel. La situation va prendre alors une tournure dramatique pour les forces allemandes en Bretagne.

– Début août 1944, le VIIIth Corps du Lieutenant.General Troy H. Middleton (8th, 83rd Infantry Divisions4th et 6th Armored Divisions et 15th Cavalry Group) opère une pénétration foudroyante en Bretagne. Progressant, sur plusieurs axes et bénéficiant de la couverture aérienne adéquate, les unités américaines se jettent sur les ports bretons. Fahrmbacher est complètement pris de vitesse et ne peut mener d’action coordonnée. Disposant en théorie de toute autorité sur les forces allemandes en Bretagne, il ne commande en pratique que la zone de Lorient et devra bientôt lâcher Saint-Nazaire. Les Festunge de Brest et de Saint-Malo échappent alors totalement à son contrôle. La seconde est commandée par l’Oberst (Colonel) Andreas von Aulock, archétype de l’officier prussien de la vieille école, mais aussi vétéran de l’Ostfront et notamment de Stalingrad. Après avoir pris ses ordres, il déclare : « Je défendrai Saint-Malo jusqu’au dernier homme, même si celui-ci n’est autre que moi ! »

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2 – L’ASSAUT AMÉRICAIN ET LA DÉFENSE ALLEMANDE

– Tout d’abord, il convient de mettre en évidence l’état des forces dans le nord de l’Ille-et-Vilaine au début de mois d’août 1944. Après la percée d’Avranches effectuée par les éléments de la IIIrd Army, Fahrmbacher hérite des restes étrillés des 77. Infanterie-Division (Bacherer) et 91. Luftlande-Infanterie-Division (König). En fait, ces deux divisions sont réduites à l’effectif d’un Kampfgruppe seulement. Toutefois, elles combattent dans des espaces bocagers depuis le mois de juin et bénéficient donc d’une assez bonne expérience des combats contre les Américains, mais leurs soldats sont épuisés. Pour ainsi dire, les survivants de la 91. Luftlande-Infanterie-Division affrontent les Américains depuis le jour même du débarquement. D’autres unités sont aussi présentes dans le secteur au début d’août. La 2. Fallschirm-Division de Ramcke a été envoyée dans la zone de Dol-de-Bretagne – Pontorson en prévision de bloquer l’avance de la IIIrd  US Army.

– Mais devant la ruée de la cavalerie de Patton, Fahrmbacher ordonne à Ramcke de se replier de toute vitesse vers Brest afin de défendre cette ville. D’autre part, quelques éléments de la 266. Infanterie-Division (unité alors chargée de couvrir les Côtes d’Armor et le Nord de l’Ille-et-Vilaine à elle toute seule !). Seulement, cette division est à effectifs réduits et est en majorité composée de réservistes de la classe 1908 secondés par quelques Ost-Truppen Russes et Ukrainiens recrutés volontairement dans les camps de prisonniers de l’Ost-Front. C’est une division qui n’a pas de grande valeur combative et qui est peu motivée.

– Dans le secteur de Saint-Malo, von Aulock peut compter sur quelques éléments de la Kriegsmarine ainsi que des services administratifs et auxiliaires de la Wehrmacht. Il y a aussi quelques Ost-Truppen qui occupent l’île de Cézembre en y travaillant à des tâches d’aménagement. Finalement, on dénombre environ 12 000 soldats allemands dans la Festung de Saint-Malo, mais avec une faible proportion de combattants, peu d’artillerie ou d’équipement de combat et enfin, avec une majorité de soldats ayant une valeur combative moyenne, voire faible. Selon les directives de Fahrmbacher, von Aulock – qui n’est encore qu’Oberst – a plein pouvoir pour défendre la Festung de Saint-Malo qui couvre la vieille cité (et ses solides murailles à la Vauban datant du XVIIe siècle) et son agglomération ainsi que Dinard, Châteauneuf d’Ille-et-Vilaine, Pleurtuit et Paramé. Au niveau des fortifications, les Allemands ont profité de l’Occupation pour fortifier la cité malouine compte-tenu de sa position stratégique. C’est l’Organisation Todt qui a été chargée des travaux avec l’aide de travailleurs réquisitionnés Français, Tchèques et Polonais.

– Mais les travaux n’étaient pas encore achevés à l’été 1944 et il manquait des canons à installer dans la vieille cité. Un fossé antichar devait être creusé à partir de la Rance et rempli d’eau, mais le projet n’a pas vu le jour. Von Aulock peut notamment s’appuyer sur un réseau défensif qui couvre plusieurs Schutzpünkte (« points forts), dont la Cité d’Aleth, l’île de Cézembre, la pointe de la Varde, Saint-Ideuc, la colline Saint-Joseph et les différentes lignes de défenses dans le Clos-Poulet les autres îles alentours. Enfin, Saint-Malo pouvait être ravitaillé à partir des îles Anglo-Normandes occupées de Jersey, Guernesey et Aurigny grâce à des vedettes rapides.

– On trouve alors dans la cité d’Aleth 4 canons moyens, deux batteries antiaériennes FlaK, un Poste de Commandement, des casernements pour 200 hommes ainsi que des bunkers d’observation et de réglages de tirs. Enfin, les fortifications de la Cité d’Aleth se caractérisent aussi par 32 bunkers, 8 cloches de tir blindées et 1 300 mètres de galeries. Si à Dinard et dans la vieille cité de Saint-Malo les défenseurs devaient se battre dos à la mer, ils pouvaient bénéficier d’un puissant soutien en artillerie lourde installée sur l’île de Cézembre. Enfin, les Allemands ont établi une ligne en avant de Saint-Malo qui va de Saint-Benoît-des-Ondes à Châteauneuf d’Ille-et-Vilaine et qui est garnie de barbelés, d’obstacles et de champs de mines.

Du côté américain, la situation se présente nettement de manière différente. En effet,Troy H. Middleton a reçu de Patton l’ordre de ne pas prendre trop de retard avec des forces allemandes isolées ; priorité étant donnée à la prise des ports d’importance – Brest en particulier. C’est ainsi que Middleton a lancé la majorité de ses forces à l’assaut de l’ouest de la Bretagne. Progressant sur deux axes parallèles, la 6th Armored Division de Grow et la 15th Task Force de Parker, soutenues par la 29th Infantry Division de Charles H. Gerhardt foncent sur Brest. Enfin,  la 8th Division d’Earnest est envoyée vers le sud en direction de Rennes et du Morbihan.

– Middleton compte toutefois se débarrasser des 12 000 allemands concentrés à Saint-Malo qu’il estime pouvoir menacer son flanc droit. Il confie alors la mission de « nettoyage » de son aile droite à la 83rd Infantry Division « Thunderbolt » (ou Ohio) commandée par l’impétueux Major.General Robert C. Macon. Pour cette bataille de siège, Middleton a attribué à Macon quatre Field Artillery Battalions dotés de pièces lourdes de 155 mm (« Long Tom ») et 203 mm – auxquels viennent s’ajouter trois Chemical Mortars Battalions. Macon peut donc compter sur la présence de près de deux-cents canons, obusiers et mortiers. De plus, afin de renforcer les effectifs d’infanterie, le 121st Infantry Regiment du Colonel John R. Jeter a été détaché de la 8th Division. Enfin, étant donné que la Luftwaffe est complètement absente du ciel malouin, Macon peut compter sur l’aide d’éléments de la VIIIth US Air Force, notamment des avions d’attaque et des bombardiers.

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3- LES OPÉRATIONS DE RÉDUCTION DE LA POCHE

Le 5 août, des éléments de la 83rd Division parviennent aux abords de Saint-Malo, mais ils sont pris sous un feu nourri qui les force à rebrousser chemin. Le renseignement du VIIIth Corps ont sous-estimé l’importance des forces allemandes et n’ont pas repérer que celle-ci occupent les deux côtés de la Rance. La partie va s’avérer plus difficile que prévu. Une autre attaque lancée par le 329th Infantry Regiment (Col. Ewin B. Cabrill) échoue à contrôler une partie de la rive gauche de la Rance visant à couper la route Dinan-Dinard

– Dans la nuit du 5 au 6 août, éclate un étrange incident qui permet à von Aulock de faire évacuer les derniers civils restés dans la cité. Des échanges d’armes automatiques et même une canonnade se font entendre. La flèche de la Cathédrale Saint-Vincent s’écroule même le lendemain en raison des dommages. Les forces allemandes réussissent à rétablir l’ordre, mais cet incident offre le prétexte à von Aulock de rafler les hommes de 18 à 60 ans – hormis les boulangers et les pompiers – et à les interner au Fort National. 400 personnes y sont internées sans aucun confort. Le 9 août, un obus viendra frapper le fort et tuer onze détenus. Les civils qui n’avaient pas quitté Saint-Malo à partir du 17 juillet commencent à partir, von Aulock estimant « qu’ils étaient bien gentils, mais il était préférable de les avoir en face plutôt que dans le dos. » Il décide aussi d’’abandonner Cancale pour renforcer la défense sur sa droite.

Le 6 août, les unités d’artillerie américaine commencent à marteler les points de la Festung sur Saint-Malo, Saint-Servan et Paramé, afin de préparer l’assaut. Le 7, pendant la nuit les bombardiers entrent dans la danse afin de compléter les tirs des pièces de 105 et 203 mm et de raser presque complètement la cité, le quartier de la gare, le Grand-Bé et l’île de Cézembre. Puis, ce sont l’Hôtel de Ville et la Sous-préfecture qui sont gravement endommagées. Mais l’artillerie allemande riposte ; les quelques pièces lourdes de Cézembre réussissent à causer quelques dommages aux Américains.

– Le même jour, von Aulock apprenant la contre-attaque lancée par Hitler à Mortain, galvanise ses hommes en ces termes : « Si chacun s’acquitte de son devoir et que nous tenions juste un peu plus longtemps… Quiconque déserte ou capitule n’est qu’un vulgaire corniaud ! ».

– Les trois régiments de la 83rd Division passent à l’attaque mais se font encore repousser par les tirs nourris des soldats de von Aulock. C’est alors que ces derniers font sauter les installations des quais du port, les machineries et les écluses. Le 7 août, le 330th Infantry Regiment du Colonel Robert T. Foster tente un assaut sur la colline Saint-Joseph avec l’appui des P-51 Mustang et P-47 Thunderbolt, mais se fait repousser à son tour en raison de l’appui que fournissent aux soldats allemands des pièces d’artillerie dissimulées dans des cavernes de granit. Macon décide alors d’assommer au mieux les défenses allemandes et ordonne à ses unités d’artillerie et de mortiers chimiques d’arroser les positions allemandes pendant deux jours.

– Par conséquent, les assauts d’infanterie sont suspendus pendant deux jours et les artilleurs de la 83rd Division et ceux du VIIIth Corps qui leur sont adjoints, déversent des milliers d’obus sur l’agglomération malouine et le centre historique. Exceptées les solides murailles des XIVe-XVe siècles, la ville est alors complètement réduite à un tas de gravats et un agrégat de ruines. Ce pilonnage force alors les 400 défenseurs assommés et hébétés de la Colline Saint-Joseph à déposer les armes le 9 août. Les abris et les quelques bunkers sont alors endommagés ou complètement détruits. Le 330th Infanty Regiment peut alors occuper la hauteur.

– Fort de ce succès, Macon lance alors son infanterie par petits groupes sur la ville. Commence alors un combat urbain acharné qui dure près de six jours. Méthodiquement, les Américains enlèvent Paramé, abordent Saint-Ideuc, la pointe de la Varde et même Saint-Servan, ce qui permet au 329th Infantry d’accrocher les abords de la citadelle d’Aleth où le gros des défenseurs allemands s’est enterré à l’abri des bombes et des obus. Les Allemands ont du laisser en tout 3 500 prisonniers sans compter les tués et portés disparus. Cependant, Saint-Ideuc et la Pointe de la Varde s’avèrent difficile à conquérir compte-tenu de la résistance des fantassins qui peuvent toujours compter sur les pièces d’artillerie installées à Cézembre et Dinard. Macon et ses subordonnés comprennent qu’il faut nettoyer ses deux points forts pour mieux isoler Saint-Malo qui devrait tomber comme un fruit mûr.

– Pour l’île de Cézembre, l’affaire est en grande partie réglée rapidement. Dès le 9 août, les quatre Field Artillery Groups détachés du VIIIth Corps déploient leurs pièces de 155 et 203 mm pour faire taire les canons de Cézembre. L’île est impitoyablement matraquée ce qui fait effectivement taire les canons allemands. Même si l’on compte peu de victimes chez les défenseurs, les troupes d’assaut américaines pourront au moins être épargnées.
Cependant, pour Dinard les choses s’avèrent bien plus compliquées. Les Allemands avaient auparavant profité de fortifier la route Saint-Malo – Dinard avec tout un réseau de fils barbelés, de grilles de fer, de fortins et de positions camouflés abritant des mitrailleuses et des mortiers. En outre, n’avait guère infligé de dommages notables à toutes ses installations.

– Le 121st Infantry Regiment de Jeter et les unités de la 83rd Division avaient tenté de forcé le passage mais s’étaient fait bloquer net par les armes lourdes. Cependant, Macon confie au 121st Infantry  la tâche de prendre la ville balnéaire dès le 8 août, avec l’appui d’engins blindés du 709th Tank Battalion. Ce jour-là, le 121st Regiment s’aventure dans le dispositif de défense allemande sur la route Saint-Malo – Dinard. Malheureusement par une habile manœuvre, les unités interarmes infanterie – canons d’assaut en engins blindés du Kampgruppe Bacherer réussissent à piéger tout le 3rd Battalion du 121st Infantry. Les soldats de cette unité résistent farouchement à la baïonnette et à la grenade au prix de 31 tués et 106 blessés. Il faut alors plusieurs efforts aux fantassins américains pour dégager le 3rd Battalion, avec l’appui d’armes lourdes et d’avions larguant des poches de plasma par parachutes. Trois avions sont tout de même perdus dans l’action.

– Fort de ce succès, Bacherer lance une contre-attaque localisée au sud de Dinard le 11 août. S’ensuit alors un violent combat au cours duquel les allemands sont repoussés avec beaucoup de difficultés par les soldats des 121st et 331st (Col. Robert H. York) Infantry Regiments. Toutefois, les rescapés du 3rd Battalion du 121st ont pu rejoindre leurs lignes. Vétérans du front de Normandie, les hommes du Kampfgruppe Bacherer se battaient avec compétence et efficacité. Macon change son fusil d’épaule et adresse à son adversaire allemand un ultimatum de reddition. Bacherer répond en ces termes « chaque maison doit se transformer en forteresse, chaque pierre en cachette. Et nous nous battrons pour chaque pierre. » Le 12 août, Macon déploie les unités d’artillerie du VIIIth Corps sur Dinard qui subit un tir de barrage nourri derrière lequel progresse l’infanterie d’assaut.

– Le Kampfgruppe Bacherer est forcé de rebrousser chemin en laissant une centaine de prisonniers et plusieurs véhicules blindés. Le 13 août, le 121st Regiment s’empare de Pleurtuit et le 331st atteint les faubourgs de Dinard le lendemain. Les villages balnéaires de Saint-Lunaire et Saint-Briac sont libérés.
Le 15 août, poussés en avant par Macon pressé d’en finir rapidement, les fantassins des 121st et 331st Regiments investissent Dinard. Ils réussissent alors à s’emparer du Quartier Général de Bacherer situé dans un petit fort. L’Oberst est alors forcé de se rendre avec toute la garnison de Dinard, soit 4 000 hommes. Le Major.General Macon peut alors se consacrer à la chute de la citadelle de Saint-Malo et de la Cité d’Aleth où combattent encore 3 500 hommes

– Revenons quelques jours en arrière. Le 9 août, l’artillerie de la 83rd Division pilonnait Saint-Ideuc et la Pointe de la Varde. Le 12, le Colonel Cabrill lance son 329th Regiment épaulé par des équipes du 83rd Combat Engineer Battalion contre les abris individuels et les bunkers. Pendant ce temps, en particulier pendant la journée du 11 août, Macon souhaite assommer les défenseurs de la citadelle. Celle-ci est impitoyablement martelée à coups d’obus lourds et de bombes à percussion. Mais rien y fait, von Aulock et ses hommes ne capitulent pas. Un aumônier allemand capturé par les américains est renvoyé auprès du « Colonel Fou » (« The Mad Colonel ») pour tenter de le convaincre de renoncer. Bie entendu, von Aulok continue de faire la sourde oreille.

– A la fin de l’après-midi du 12 août, les 160 derniers défenseurs de Saint-Ideuc se rendent et le lendemain, c’est au tour des défenseurs de la Pointe de la Varde. Et puis, l’Air Force intervient pour attaquer la vieille ville et la Cité d’Aleth au napalm. Peu après, les fantassins du 330th Regiment du Col.Forest appuyés par des canons antichars et des blindés du 709th Tank Battalion et du 705th Tank Destroyer Battalion, partent de Paramé et se lancent à l’assaut de l’est de Saint-Malo et du Sillon – chaussée en front de mer qui va de Paramé à la vieille ville. Chaque bâtiment est conquis l’un après l’autre à coups d’explosifs et de canons. Seulement, la poignée d’allemand qui occupe le Château – dont les murs datant de l’époque médiévale résistent à tous les projectiles américains – résistent obstinément tout en tenant la chaussée du Sillon à l’aide d’un canon de 20 mm bien placé et de mitrailleuses.

– Toutefois, des éléments du 330th Regiment et des Engineers parviennent à entrer à l’intérieur des remparts où tient encore moins d’une centaine de soldats allemands. S’ensuit alors un violent combat dans les ruines au beau milieu de la fumée. Le 13 août, une trêve entre Allemands et Américains est conclue grâce à l’aide d’un responsable civil et d’un prêtre afin de pouvoir évacuer les derniers civils. Le lendemain, les derniers civils ainsi que tous les détenus du Fort National partent pour les lignes américaines. Cependant, les derniers défenseurs du Château encerclés et à court de ravitaillement décident de se rendre. Il n’y a dès lors plus de résistance allemande sur la côte et seules la Cité d’Aleth et Cézembre tiennent.

– Depuis le 9 août, la citadelle résiste à tous les assauts combinés américains et aux pilonnages. Le fort et ses blockhaus n’ont absolument pas été ébranlés par les bombes de 500 kg, les bombes percutantes d’une tonne et celles de 100 livres. L’Air Force a même largué auparavant plusieurs tonnes de napalm (bombe incendiaire à base de kérosène expérimentée dans le Pacifique) sur la Cité d’Aleth qui est presque entièrement ravagée. Le dernier carré allemand tient face aux fantassins, aux soldats du génie et aux équipes lance-flamme. Les Américains tentent même d’escalader les murailles du fort, mais les tirs mortels des allemands les dissuadent de rééditer cette tentative audacieuse. Le 15 août, un nouvel assaut est repoussé avec succès. Pendant les deux jours suivant, les Américains se contentent de pilonner le fort en tir direct à coups de canons antichar et d’obusiers de 105 mm.

– Toutefois, à l’intérieur du fort le moral des soldats allemands s’est brutalement effondré. Selon Martin Blumenson, historien de l’US Army qui a suivi le parcours des forces américaines en France et en Allemagne, le moral allemand est affecté par les redditions successives de leurs camarades de Dinard et de la vieille ville. Von Aulock se retrouve presque seul décidé à résister jusqu’au bout, ces soldats considérant que l’issue des combats est inutile. Les derniers soldats à résister estiment aussi qu’ils sont pris à l’intérieur d’un piège dont ils ne peuvent s’extraire. Pour eux, résister encore plus n’avait aucun sens. S’ajoute à cela le soulagement de ne pas tomber aux mains de FFI ou FTP – qui auraient pu faire preuve de vindicte –, mais d’être fait prisonnier par les Américains, ce qui représentait la garantie d’un traitement convenable.

Reddition de von Aulock

Reddition de von Aulock

– S’il fait preuve d’une obstination qui démontre un sens du devoir militaire, Andreas von Aulock n’est pas un jusque-au-boutiste pour autant. Comprenant qu’il disposait de trop peu d’hommes – épuisés de surcroît – pour poursuivre une lutte efficace, il décide de déposer les armes suivant une capitulation honorable. Le 17 août, un soldat allemand agite un drapeau blanc sur la citadelle. Les 400 derniers défenseurs se rendent dont von Aulock, rasé de frais, vêtu de son uniforme d’apparat et monocle fixé à l’œil droit. Bien que vaincu, le colonel allemand n’en garde pas moins la tête haute, sa casquette crânement vissée de travers, et fait même preuve d’insolence .

– Reste alors le problème de l’île de Cézembre et des trois-cents soldats – allemands etOsttruppen – qui y étaient toujours stationné. Pressé d’en finir définitivement, Macon fait appel à l’Air Force qui déploie d’énormes moyens possibles. Le jour de la reddition de von Aulock, trente-cinq bombardiers lourds et moyens B-17 et B-25 déversent leurs bombes et leur napalm sur la toute petite île. Cézembre n’est plus qu’un paysage lunaire. L’Oberstleutnant commandant de la garnison transmet alors son message de reddition à des émissaires américains.

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La Porte Saint-Vincent, après les combats

– La bataille de Saint-Malo est terminée mais la ville de Robert Surcouf, de René Duguay-Trouin et de François-René de Chateaubriand, joyau de l’histoire maritime de la Bretagne et de la France a énormément souffert de la guerre, ce qui, comme le montrait bien Jacqueline Sainclivier dans Le Monde, sera le lot des grands ports bretons.