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1er octobre 1830 : Création du Corps des Zouaves

Avec leurs uniformes, leurs traditions et leur participations à toutes les guerres de l’Armée française de la Monarchie de Juillet à la Ve République, les Zouaves ont durablement marqué l’imaginaire national. De plus,avec leur esprit de corps très affirmé, ils ont formé l’un des Corps de fantassins les plus décorés de France, avec le Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc et la Légion Étrangère. Enfin, au XIXe siècle, en plus de leur popularisation par la Comtesse de Ségur, leur renommée atteignit l’autre côté de l’Atlantique jusqu’aux murs de Rome.
Selon le Général Guedin qui a servi au sein du 9e Régiment de Zouaves, le mot lui-même n’était autre qu’une « définition venant de loin, du plus profond de la conviction du peuple de France affirme que c’est un homme intrépide, qui ne craint rien…»

Voici un retour sur leur histoire.

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Le terme même de Zouave, vient de la tribu kabyle de Zwafa (Algérie) ; ses membres, les Zaouaoui fournissait des soldats au Sultan de Constantinople. D’ailleurs, lors de la campagne de la prise d’Alger par le Comte de Bourmont, 500 indigènes s’étaient mis au service des Français.

– Après la prise d’Alger, la pacification du pays est toujours une priorité pour l’Armée de Louis-Philippe. Le Général Bertrand Clauzel, un ancien de la campagne d’Espagne sous Napoléon, décide alors de former un bataillon recrutés dans les tribus kabyles d’Algérie. Ainsi, le 1er octobre 1830, le Bataillon de Zouaves est levé. Le 21 décembre de la même année, Clauzel ordonne la formation d’un second bataillon, ainsi que d’Escadrons de Cavalerie Zouave qui reçoit l’appellation de « Chasseurs indigènes » qui deviendront plus tard les « Chasseurs d’Afrique » . Enfin, le 9 mars 1831Louis-Philippe signe une ordonnance royale qui confirme la formation du nouveau Corps d’Infanterie d’Afrique et un second bataillon est en cours de levée.

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Général Bertrand Clauzel

– Les Zouaves, que l’on surnomme bientôt les Chacals, connaissent leur premier engagement contre le Bey de Tittery à Blida, Médéa et au Col de Mouzaïa, lieu de leur premier fait d’armes.
Toutefois, Clauzel a surestimé les capacités de recrutement au sein des tribus d’Algérie. De plus, l’amalgame avec des soldats venus de Paris est un échec. Échec aussi, l’adaptation des officiers français aux modes de vie des hommes des tribus. Clauzel décide alors de dissoudre les deux bataillons déjà existant pour n’en former qu’un seul. La majorité des soldats provenant alors de France ou de soldats français déjà présents en Algérie. D’autre part, le recrutement est durci et devient plus sélectif à l’égard des indigènes. Il n’empêche que le succès est bientôt immédiat et les volontaires affluent. En 1837, les Zouaves forment déjà trois bataillons. Finalement, en 1841, les indigènes ne seront plus incorporés au sein des Bataillons de Zouaves pour des raisons pratiques. En revanche, ils formeront les Régiment de Tirailleurs d’Afrique, appelés Turcos.
Détail d’importante et marque d’un certain romantisme exotique, les soldats français se mettent à porter l’uniforme bleu foncé et blanc, à l’orientale avec : la bedaïa (veste courte), un turban de coton blanc, la chéchia, une ceinture (40 cm de large et 4 m de long), une veste courte brodée et le serouelpantalon arabe large et bouffant.
A noter que plusieurs des futurs Maréchaux de Napoléon III ont servi dans leurs rangs : Patrice de MacMahon, Armand de Saint-Arnaud, Aimable Pélissier et François de Canrobert.
Sous Louis-Philippe, les trois bataillons de Zouaves poursuivent leurs opérations de pacification de l’Agérois, de la Kabylie et du Constantinois : Ouarensis, Isly et Zaatcha.

-Les Zouaves gagnent en importance dès le début du Second Empire. En 1852Napoléon III, décide de former trois Régiments afin de poursuivre la pacification de l’Algérie ; 1er2nd et 3e RZ, cantonnés respectivement à Blidah (Algérois), Oran et Philippeville (Constantinois). L’Empereur ira aussi jusqu’à créer un Régiment de Zouaves de la Garde Impériale. Le 4e RZ sera enfin levé en 1870.

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Le combat de Puebla

– Les Zouaves vont alors commencer à se tailler leur renommée auprès du public français. Ils sont de presque toutes les campagnes impériales : Crimée (Alma, Sébastopol et Malakoff), Italie (Magenta et Solférino), Mexique, début des opérations de pacification au Maroc et bien sûr, Guerre de 1870 (Fröschwiller, Wörth, Rezonville, Héricourt, Châtillon, Plateau d’Avron et Villiers-sur-Marne).
Comme le signale Quentin Clazaud pour le revue Guerre et Histoire, les Zouaves se montrent toutefois bien plus à l’aise dans l’action de mouvement mais aussi, dans la contre-guérilla (reconnaissances montées en Algérie et au Mexique) comme dans le combat « des rues et des maisons » (Laghdaoua en Algérie et « Carrés bâtis » de Puebla). A contrario, ils se montrent bien moins efficaces dans les combats de siège de la Guerre de Crimée et face à une armée constituée telle la Kaisersheer de von Moltke l’Ancien.
En revanche, autre avantage certain, ils savent se faire accepter des populations indigènes d’Afrique et d’Amérique latine. A noter qu’au Mexique, les services de santé impériaux vont répertorier un taux de maladies vénériennes assez élevé au sein des 2nd et 3e RZ.

Ajoutons que c’est durant les années 1860, que le Corps des Zouaves français connaît trois déclinaisons « d’exportation » dirons-nous : les New-York Zouaves dits Red Devils combattant dans le camp de l’Union lors de la Guerre de Sécession, les Zouaves Polonais luttant contre les Russes, et bien sûr, les Zouaves Pontificaux du Général Juchault de Lamoricière partis combattre les Garibaldiens sous les murs de Rome afin de protéger Pie IX.

Officier Zouave au Tonkin

Officier Zouave au Tonkin

– Après la Guerre de 1870, les trois régiments de Zouaves existant sont maintenus sous la IIIe République et poursuivent leurs opérations de pacification en Algérie, au Maroc mais aussi au Tonkin, dans la région de Hanoï. C’est aussi à cette époque que le recrutement s’ouvre aux Juifs Séfarades d’Afrique du Nord qui ont reçu la nationalité française en 1870. En 1881 le 4e RZ s’installe en Tunisie.
Un Régiment de Marche de Zouaves est aussi levé en 1899 pour aller combattre les Boxers en Chine sous le commandement du Général Adolphe Guillaumat. Il sera dissous à son retour.
La veille de la Grande Guerre, cinq nouveaux régiments sont créés par répercussion de la nouvelle loi sur le service militaire de trois ans : 2 Bis3 Bis et 7e (qui deviendra un Régiment mixte, puis un Régiment de Tirailleurs) en Algérie, ainsi que les 8e et 9e RZ au Maroc. En août 1914, trois nouveaux régiments sont levés, le Régiment de Marche des Zouaves, ainsi que les 7e et 8e RZ. Enfin, par amalgame de Tirailleurs Africains, les 1er et 4e RZ se transforment en Régiments Mixtes de Zouaves et Tirailleurs (RMZT).

– En concédant de sanglants sacrifices, les Zouaves s’illustrent particulièrement lors de la Bataille de la Marne, particulièrement au sein de la Division Marocaine du Général Georges Humbert à Mondement et Saint-Gond mais aussi dans d’autres divisions telles la 45e DI sur l’Ourcq, les 37e et 38e à Montmirail. On les retrouvera plus tard à Souchez en Artois (1915), en Champagne (septembre 1915), sur la Somme (Belloy-en-Santerre), à Verdun et lors de la Seconde Bataille de la Marne. Enfin de 1916 à 1918, sur le Front d’Orient, le 2e Bis RZ participe aux Batailles de Monastir et du Lac Doiran contre les Bulgares. Notons qu’en 1915, le Corps a définitivement abandonné la tenue traditionnelle pour celle dite « moutarde », bien plus adaptée aux combats. Seule la chéchia est conservée.

Charge de Zouaves au début de la Grande Guerre

Charge de Zouaves au début de la Grande Guerre

Après la Grande Guerre, les Zouaves participent un temps à l’occupation de l’Allemagne avant de retourner au Maroc afin de participer à la pacification du Rif.- En 1939-40, le nombre de Régiments de Zouaves est porté à 19, dont quatre de dépôt et d’instruction restés en Afrique du Nord (21e, 22e, 23e et 29e RZ).

– Malgré leurs moyens limités, les Zouaves se comportent très bien face aux Allemands dans le nord et l’est. A l’issue de violents combats en Champagne, le 1er RZ est complètement décimé. Le 2nd RZ combat sur la vallée de l’Oise et y laisse des prisonniers pour disparaître lui aussi de la liste. Après une honorable défense sur la Seine, le 4e RZ parvient à se regrouper pour se retirer en Tunisie. Le 8e RZ disparaît dans la défense de la Poche de Dunkerque et seule une partie de ses hommes parvient à embarquer en Angleterre. Le 9e RZ a plus de chance ; combattant avec acharnement sur l’Aisne, il doit sacrifier son 1er Bataillon mais échappe à l’encerclement et finit par se réfugier en Algérie. Après avoir tenu tête à l’ennemi, les 11e et 12e RZ disparaissent respectivement dans le Nord (sur la Scarpe) et à Bar-le-Duc. Enfin, le 14e RZ combat durement sur la frontière belge entre l’Avesnois et la Thiérache, doit céder 15% de prisonniers mais finit par se replier en bon ordre.

– Basé au Liban durant la Campagne de 40, le 2nd RZ est transféré en Afrique du Nord, tandis que les 1er et 4e RZ y sont reformés. Restés l’armée au pied au sein de l’Armée d’Afrique sous commandement du Général Weygand entre 1940 et 1942, les trois Régiments prennent une part active à la campagne de Tunisie contre les Germano-italiens de Rommel, von Arnim et Messe.

Drapeau du 2e Régiment de Zouaves

Drapeau du 2e Régiment de Zouaves

– Aucun Régiment de Zouaves ne participe à la campagne d’Italie au sein du CEF mais le 2nd RZ est intégré à la 1re Division Blindée du Général Touzet du Vigier , scindé en 3 Bataillons et transformé en unité portée. Chacun de ses bataillons (BZP) est ensuite attribué à un Combat Command (Groupement Tactique de la Division). Débarqué en Provence dès le 15 août 1944, il participe à la remontée de la Vallée du Rhône puis aux combats dans les Vosges, en Alsace et dans le Palatinat. Le 9e RZ du LieutenantColonel Aumeran participe aux opérations de Corse et à la prise de l’ïle d’Elbe avant de débarquer de Provence en tant que réserve tactique de la Ire Armée de Lattre. Il se distingue particulièrement à Roches-lès-Blamont, Hérimoncourt, au Col de la Schlucht, à Munster, Karlsruhe et en Forêt Noire.
Enfin, le 4e RZ, placé sous le commandement du Général Edgar de Larminat participe à la prise de Royan aux côtés de la 2e DB.

– Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs régiments sont dissous ou reformés. Certains participeront aux Guerres d’Indochine et d’Algérie (4e et 8e). Le Corps d’Infanterie et finalement dissous en 1962.

En dépit des pertes et parfois de leurs défauts, les Zouaves n’ont jamais failli à leur devise : « Être zouave est un honneur. Le rester est un devoir. »

Sources :
– CLAZAUD Quentin : La légende des Zouaves, Guerre & Histoire, N°14, août-sept 2013
Les Zouaves des origines à 1940, http://www.collectifrance40.free