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25 mars 1945 : la Ière Armée française atteint le Rhin près de Spire

Alors qu’en Rhénanie et sur la Ruhr, Britanniques et Américains parachèvent la réussite des opérations « Plunder » et « Lumberjack », le VIth Army Group de Devers s’apprête à franchir de force le Rhin et la frontière allemande en Alsace et Moselle. Sauf que les Américains confient encore aux Français un rôle assez limité, leur enjoignant de sécuriser la rive droite de la Lauter, sur la frontière franco-allemande. Après la prise de Colmar, de Lattre a reconstitué ses forces et comblé les pertes survenues au mois de février. Plusieurs régiments de Tirailleurs particulièrement éprouvés après les combats de la Poche de Colmar (8e Tirailleurs Marocains ; 1er et 7e Tirailleurs Algériens), ont été remplacés par des unités de FFI elles-mêmes reformés après avoir connu l’expérience du feu dans les Vosges et en Haute-Alsace. Ainsi, le 151e Régiment d’Infanterie (Colonel Gandoët) composé d’éléments à forte tendance communiste et le 49e RI (Colonel Pommiès) ancien corps-franc remplacent des unités divisionnaires parties au repos. En outre, de Lattre peut aussi compter sur deux nouvelles unités formées à la fin de 1944 avec des éléments FFI ; la 10e DI (Général Pierre Billotte) et 14e DI (Général Raoul Salan). Notons que la seconde division est la résurrection d’une unité commandée en 1940 par de Lattre lui-même !

– Pendant que la VIIth US Army d’Alexander M. Patch attaque dans les Basses-Vosges et sur la Sarre, libérant Forbach, la Ire Armée française doit développer son attaque sur la Lauter entre Wissenbourg et Lauterbourg. Pour cette opération le Général de Lattre dispose du du IInd Corps du Général de Montsabert – réduit pour le coup en une Task Force forte d’une division et d’un élément mécanisé –, flanqué sur sa gauche par le VIth US Army Corps (Edward H. Brooks) fort de la 36th « Lone Star » Infantry Division et de la 14th Armored Division.

– Le 15 mars, parallèlement à l’offensive de Patch, la Ire Armée déclenche son offensive sur l’ Annemarie Linie (sorte de ligne avancée de la Siegfried Linie) contre le LXXX. Armee-Korps allemand d’Erich Petersen (1. Armee) en direction de la Forêt de Haguenau, avec la Task Force de Montsabert qui aligne la 3e Division d’Infanterie Algérienne (Augustin Guillaume), les 1er et 2nd Groupement de Tabors Marocains et le Combat Command 6 de la 5e Division Blindée (Colonel de Lavilléon). Ils ont en face d’eux les 257. et 950. Volksgrenadier-Divisionen allemandes.

– Sauf que l’attaque s’embourbe très vite en raison des champs de mines. Le 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens (Colonel Guillebaud), appuyé par des chars M4 Sherman du 2nd Escadron du 6e Régiment de Chasseurs d’Afrique, éprouve de sévères difficultés à prendre Oberhoffen en raison d’un fort tir de barrage de l’artillerie allemande Mais durant l’après-midi, des éléments du 6e RCC, le 3e Bataillon du Régiment de Marche de la Légion Etrangère (3/RMLE) et le 4e Escadron du 1er Régiment Etranger de Cavalerie profitent d’un repli des troupes allemandes pour accrocher la zone forestière de Stiefelhardt. Les Goumiers du 2e GTM du Colonel Pierre Boyer de La Tour, ainsi que des éléments du 96e Bataillon du Génie tentent de s’infiltrer dans la forêt mais sont arrêtés par un important champ de mines.

– Hors de la forêt, la résistance allemande se durcit et il faut deux jours de furieux combat au CC N°6 pour crever l’Annemarie Linie. Du coup, le Colonel de Lavilléon pousse son Combat Command sur la Lauter qui est franchie le jour même. Lauterbourg passe définitivement sous le contrôle des Tirailleurs Tunisiens et des Chasseurs d’Afrique mais reste soumis à des tirs d’artillerie provenant de la rive est du Rhin.
Mais si les Français sont persuadés qu’ils vont très vite mettre le pied en territoire allemand, les Américains enjoignent à de Lattre d’arrêter son offensive pour le 19 mars. Patch souhaite que les Français ne se déportement pas trop vers l’est afin de maintenir le contact avec la 14th Armored Division de Smith qui attaque vers Haguenau.
Mais de Lattre ne l’entend pas ainsi. Selon les mots du Correspondant Pierre Lyautey, le chef français se précipite auprès de Jacob L. Devers à Vittel pour lui demander l’autorisation de franchir le Rhin. Devers n’y voit aucun inconvénient mais la décision dépend de son supérieur, Dwight D. Eisenhower. Néanmoins, de Lattre ordonne au Colonel Guillebaud d’attaquer Scheibenhardt. A 16h00, après une forte préparation d’artillerie, le 4e RTT part à l’attaque avec l’appui des chasseurs de chars M10 Wolverine du 7e RCA qui neutralisent les mitrailleuses allemandes positionnées sur l’autre rive. Grâce à cette couverture, les Tunisiens s’emparent de Scheibenhardt à 16h30 pendant que le 96e BG jette la première passerelle sur le fleuve. En revanche, si les Tunisiens remportent un franc succès, Chasseurs d’Afrique et Légionnaires du CC N°6 ne parviennent pas à dégager la Forêt de Bienwald qui couvre la Siegfried Linie. Il faut plusieurs heures de durs combats pour prendre la petite localité bien défendue de Büchelberg. Néanmoins, le Major.General Brooks envoie plusieurs éléments de la 14th Armored Division (Albert C. Smith) prêter main-forte aux Français. Couverts par des fumigènes, les éléments du Génie et des Bulldozers s’emploient à dégager des couloirs de franchissement dans le champ de « dents de dragons » profond de 300 m. En revanche, s’il réussit à s’emparer de Berg, le 3e Régiment de Tirailleurs Algériens (RTA) du Colonel de la Boisse est toujours bloqué devant Büchelberg le 20 mars.

– Le 22 mars, Tirailleurs, Tabors, Légionnaires et Chasseurs d’Afrique repartent à l’assaut avec un puissant appui dispensé par les chasseurs-bombardiers de la IXth USAAF mais les succès sont encore mitigés. Cependant, dans la nuit du 23-24 mars, 2 000 Goumiers, un escadron du 6e RCA et le 3/RMLE passent à travers les lignes américaines et s’engagent dans la Forêt de Bienwald, avec des hommes du 96e BG et des Bulldozers pour dégager les passages. Malheureusement, la progression s’enlise en raison des mines (qui font un grand nombre de victimes chez les Goumiers) et des difficultés du terrain. Toutefois, à 23h00, le Génie français réussit à tracer un couloir de progression par lequel s’engouffrent hommes, chars (Sherman, Stuart et Wolverine), automitrailleuses M8 Greyhound, jeeps, camions, half-tracks et mules. Le tout sous les tirs de harcèlement de Grenadier armés de lance-roquettes Panzerfaust et de canons de 88 mm. Cependant, l’action des Légionnaires et des Goumiers du 1er GTM (Colonel Leblanc) parvient à dégager le carrefour de la Ferme de Langenberg, indiquant que la retraite est coupée aux Allemands combattant encore dans les bois et à Büchelberg. Puis, les Marocains nettoient l’ensemble de la Forêt de Bienwald, permettant à un escadron du 1er Régiment Etranger de Cavalerie et à la 11e Compagnie du 3/RMLE de foncer vers Hagenbach, pendant que la Colonne marocaine de Leblanc se rue sur Wörth en s’emparant des carrefours de Langensee et de Harz.

– Le 25 mars, Maximiliansau tombe et le Rhin est atteint. Spire n’est qu’à une portée de fusil. Seulement, les Allemands ont fait sauter le pont.