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27 mai 1797 : Exécution de Gracchus Babeuf

Gracchus Babeuf ( 1760-1797)

Né en 1760 à Saint-Quentin, de son vrai nom François Noël Babeuf, il est le fils de Marie-Catherine Ancherel et de Claude Babeuf, un employé des fermes royales de Picardie.
A douze ans, il commence à travailler comme terrassier au canal de Picardie. A dix-sept ans, il devient apprenti chez un notaire feudiste à Roye, ce qui lui vaut sa belle écriture.

– En 1781, il exerce les professions de géomètre et de commissaire à terrier. Ce second métier consiste à recenser et évaluer les droits, bien-fonds, registres et redevances des seigneuries, le tout étant noté dans un livre à terrier. C’est à ce moment-là que Babeuf découvre les restes du féodalisme, d’autant plus que certains nobles désargentés cherchent à faire réévaluer leurs droits en s’appuyant justement sur les commissaires à terriers et sur certaines vieilles chartes de l’Époque Médiévale.
C’est aussi à ce moment, que Babeuf découvre les écrits de Jean-Jacques Rousseau et adhère à l’idée d’une stricte égalité entre les Hommes. En 1788, il rédige son Cadastre perpétuel (édité en 1789) mais celui-ci n’est pratiquement pas lu.

– Peu avant la convocation des États Généraux par Louis XVI, il rédige les cahiers de doléance des habitants de Roye. Il devient ensuite journaliste au Courrier de l’Europe, dans les lignes duquel il combat les impôts et l’inégalité, tout en organisant des réunions et faisant signé des pétitions. C’est aussi à ce moment qu’il rompt définitivement avec le Christianisme car il est incompatible avec la Liberté.
Bien que très minoritaire sous la Constituante, Babeuf est arrêté sur ordre de l’Assemblée (1790) mais est aussitôt libéré grâce à l’intervention de Marat. Il lance aussitôt son propre journal : Le Correspondant Picard, dans lequel il dénonce le suffrage censitaire. Cela déplaît à la Constituante qui fait interdire la diffusion du journal et contraint Babeuf à retourner en Picardie. Mais là, il pratique l’agitation en mobilisant les ouvriers et les paysans de sa province.

– En 1792-1794, Gracchus Babeuf soutient d’abord les Jacobins, avant de critiquer les orientations terroristes du nouveau régime. Il va même jusqu’à dénoncer le populicide de la Vendée orchestré par les généraux Tureau et Kellermann. Mais il est seul.
Après la chute de Robespierre le 9 Thermidor An II, Babeuf critique violemment la réaction thermidorienne du Directoire. Il tient alors un journal, le Tribun du Peuple. François Noël Babeuf prend tout de même le prénom de Gracchus par référence à Caius et Tiberius Gracchus (les Gracques) qui avaient tenté d’instaurer des réformes agraires à Rome au Ier siècle av J-C, pour se heurter à la vieille aristocratie romaine.
Accusé par Tallien d’outrage envers le gouvernement, il est arrêté et incarcéré à Arras, alors que son journal est interdit. Libéré peu de temps après, il relance son journal et participe à l’insurrection de sections jacobines du Ier Prairial An III (20 mai 1795), durant laquelle la tête du député Féraud est présentée à Boissy d’Anglas.

– En 1796, Babeuf et l’un de ses amis, Sylvain Maréchal, signent Le Manifeste des Égaux, dénonçant les privilèges du Directoire, tout en aspirant à instaurer en France un régime strictement égalitaire, autant en droits qu’en conditions. Ainsi, il faut mettre en collectivité les terres et les moyens de production, afin d’acquérir le Bonheur commun et la stricte égalité. Babeuf s’inspire notamment de l’égalité qui régnait entre les citoyens de Sparte.
Lisons un peu ce qui y est écrit :

Peuple de France ! L’Égalité ! premier vœu de la nature, premier besoin de l’homme, et principal nœud de toute association légitime ! Peuple de France ! tu n’as pas été plus favorisé que les autres nations qui végètent sur ce globe infortuné !… Toujours et partout la pauvre espèce humaine livrée à des anthropophages plus ou moins adroits, servit de jouet à toutes les ambitions, de pâture à toutes les tyrannies. Toujours et partout, on berça les hommes de belles paroles : jamais et nulle part ils n’ont obtenu la chose avec le mot. De temps immémorial on nous répète avec hypocrisie, les hommes sont égaux, et de temps immémorial la plus avilissante comme la plus monstrueuse inégalité pèse insolemment sur le genre humain. Depuis qu’il y a des sociétés civiles, le plus bel apanage de l’homme est sans contradiction reconnu, mais n’a pu encore se réaliser une seule fois : l’égalité ne fut autre chose qu’une belle et stérile fiction de la loi. Aujourd’hui qu’elle est réclamée d’une voix plus forte, on nous répond : Taisez-vous misérables ! l’égalité de fait n’est qu’une chimère ; contentez-vous de l’égalité conditionnelle ; vous êtes tous égaux devant la loi. Canaille que te faut-il de plus ? Ce qu’il nous faut de plus? Législateurs, gouvernants, riches propriétaires, écoutez à votre tour.

Nous sommes tous égaux, n’est-ce pas ? Ce principe demeure incontesté, parce qu’à moins d’être atteint de folie on ne saurait dire sérieusement qu’il fait nuit quand il fait jour.
Eh bien ! nous prétendons désormais vivre et mourir égaux comme nous sommes nés ; nous voulons l’égalité réelle ou la mort ; voilà ce qu’il nous faut.
Et nous l’aurons cette égalité réelle, à n’importe quel prix. Malheur à qui ferait résistance à un vœu aussi prononcé !

La révolution française n’est que l’avant-courrière d’une autre révolution bien plus grande, bien plus solennelle, et qui sera la dernière.
Le peuple a marché sur le corps aux rois et aux prêtres coalisés contre lui : il en fera de même aux nouveaux tyrans, aux nouveaux tartuffes politiques assis à la place des anciens.

Ce qu’il nous faut de plus que l’égalité des droits

Il nous faut non pas seulement cette égalité transcrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons. Nous consentons à tout pour elle, à faire table rase pour nous en tenir à elle seule. Périssent, s’il le faut, tous les arts pourvu qu’il nous reste l’égalité réelle !
Législateurs et gouvernants qui n’avez pas plus de génie que de bonne foi, propriétaires riches et sans entrailles, en vain essayez-vous de neutraliser notre sainte entreprise en disant : Ils ne font que reproduire cette loi agraire demandée plus d’une fois déjà avant eux.

Il est aussi écrit que : « le droit de succession doit être aboli, […] la République doit assurer à chacun un logement décent, l’habillement et une nourriture suffisante […]. » Enfin, la monnaie doit elle aussi être supprimée.

– En 1796, Babeuf entre dans la clandestinité – il prend le nom de Tissot – et fomente la « Conjuration des Égaux », visant à renverser le Directoire. On y compte Vincent Buonarotti, Sylvain Maréchal, deux aristocrates ; Félix Le Peletier de Saint-Fargeau et Pierre-Antoine Antonelle et Augustin Darthé.
Les babouvistes s’implantent solidement – pour un temps – dans certains quartiers de Paris à la tête desquels sont placés des chefs militaires tels, Vaneck, Germain, Rossignol, Fyon et Massart. Cette sédition inquiète fortement les hommes forts du Directoire ; Paul François Barras et Lazare Carnot.
Ceux-ci reçoivent alors les informations précieuses d’un informateur, Georges Grisel, ce qui leur permet d’arrêter Babeuf et ses complices le 21 floréal an IV (10 mai 1796).

– Jugé à Vendôme, Babeuf est condamné à mort. Il tente de se suicider à l’aide d’un stylet mais on l’en empêche. Il est finalement guillotiné le 8 prairial an V (27 mai 1797) aux côtés de Darthé. Ses enfants seront adoptés par Lepeletier de Saint-Fargeau et Tureau.
Vincent Buonarotti sera déporté (tout comme Germain). Il reviendra en France après la Restauration et transmettra les idées de Babeuf à un certain Auguste Blanqui.

Sources :
– OZOUF, Mona : « Gracchus Babeuf », in Dictionnaire critique de la Révolution française, en collaboration avec François Furet, Flammarion, 1993
– TULARD, Jean : Histoire de la Révolution française, PUF, 2004