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Arthur de Richemont, Connétable de France et Duc de Bretagne

Dans l’Histoire de la Guerre de Cent Ans, Arthur de Richemont reste curieusement – tout comme Olivier V de Clisson – dissimulé par l’ombre de Bertrand du Guesclin. Pourtant, il fut le troisième représentant de la noblesse bretonne à s’être vu octroyé la dignité de Connétable de France. Richemont ne fut pas seulement qu’un batailleur talentueux ; il fut aussi un remarquable organisateur, considéré comme le père du premier modèle d’armée permanente en France avec les Compagnies d’Ordonnance.
D’autre part, sa vie nous est connue grâce au récit apologétique que rédigea son écuyer Guillaume Gruel dans les années 1460.

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– Arthur (ou Arzur) de Richemont, Duc de Touraine, Comte de Parthenay, de Dreux, d’Etampes, de Montfort et d’Ivry voit le jour le 24 août 1393 au château de Suscinio, actuellement dans le Morbihan non loin de Vannes.
Il est le troisième fils du Duc Jehan IV et de Jehanne de Navarre (troisième épouse du Duc). Curiosité dans cette famille ducale de Bretagne, Jehan IV – anciennement Jehan de Montfort – était ouvertement pro-anglais, son fils aîné Jehan V, frère d’Arthur, ne cessera de louvoyer entre les Valois et les Lancastre pour assurer une sorte d’indépendance de fait du Duché de Bretagne. Enfin, Arthur qui ne peut directement prétendre à hériter du Duché, il choisit ouvertement le camp des Valois et ce, dès ses jeunes années lorsqu’il peut porter les armes. Pour l’instant, il hérite de son père les « honneurs de Richemont » (Richmond), même si les Anglais ne lui reconnaîtront jamais le titre de Comte.

– Ainsi, en 1414, Arthur de Richemont entre au service du Dauphin Louis de Guyenne et participe au siège d’Arras. Le Dauphin lui octroie alors les terres de Jehan II de Partenay-Larchevêque qui a eu le tort de rallier la cause du Duc de Bourgogne Jehan Sans Peur, honni du camp Armagnac auquel appartient Louis de Guyenne.
Le 28 octobre 1415, Arthur de Richemont participe au désastre d’Azincourt et y est fait prisonnier. Il est alors incarcéré pendant cinq ans Outre-Manche au château de Fotheringhay.

– En 1420, libéré par Henri V de Lancastre, Richemont rentre en France mais doit suivre le Roi d’Angleterre dans sa prise de Meaux et lors de son entrée triomphale à Paris. En 1423, après la mort d’Henri V, Arthur de Richemont courre se mettre au service du Dauphin Charles et trouve l’appui d’Yolande d’Aragon. Toutefois, en dépit de la guerre larvée qui anime les relations entre le Royaume de Bourges et le Duché de Bourgogne, Arthur de Richemont épouse Marguerite de Bourgogne Duchesse de Guyenne, sœur de Philippe le Bon, à Dijon la même année. En 1423, l’Armée royale franco-écossaise subit la grave défaite de Verneuil face aux Anglais. Le Connétable Guillaume Stuart est tué. Poussé par Yolande d’Aragon, Charles – alors dépressif et influençable – choisit Richemont pour prendre l’épée de Connétable. Malheureusement, l’arrivée au Conseil royal du nouveau favori Pierre de Giac provoque des tensions entre le Dauphin et le Connétable. Richemont tente de relancer l’Ost royal dans des combats de reconquêtes, avec l’apport d’une partie de la noblesse bretonne « prêtée » par le Duc Jehan V. Mais Richemont subit deux déconvenues dans l’Avranchin (Normandie), à Saint-James-de-Beuvron et aux Bas-Courtils. En 1427, Richemont, Yolande d’Aragon et Georges Ier de la Trémoille – autre personnage ambitieux – conjurent contre Pierre de Giac. Celui-ci est arrêté par Richemont en personne dans son château d’Issoudun (Bas-Berry), emmené de force à Dun-le-Roi via Bourges. Après un court procès, Richemont enferme Pierre de Giac dans un sac et le noie dans un lac.

– Mais voilà, Georges de la Trémoille ne tarde pas à prendre la place de favori du Dauphin laissée vacante par Giac, est nommé Chambellan et en profite pour déchoir Richemont de sa charge de Connétable de France. Banni, le frère du Duc de Bretagne combat un temps les Anglais à Parthenay et rameute une armée pour punir La Trémoille dans une courte guerre privée. Richemont étant bien meilleur soldat que l’obèse Chambellan, disperse les hommes rassemblés par La Trémoille qui se réfugie dans Bourges. Comme l’explique Georges Minois, il s’en faut alors de peu pour que Richemont ne donne l’assaut à la Cité pour y occire son ennemi. C’est le Dauphin qui, arrivé depuis Chinon, intervient en personne et qui somme à son ancien Connétable de repartir en Bretagne. Fidèle à son souverain malgré tout, Arthur de Richemont obéit.

– En 1429, Arthur de Richemont est rappelé presque en secret par Yolande d’Aragon pour marcher sur l’Orléans. Rassemblant une partie de la noblesse bretonne encore volontaire, il se dirige vers Orléans où il fait la rencontre de Sainte Jehanne d’Arc à Beaugency. Les hommes de Richemont participent aux combats de Jargeau et Patay mais là encore, sur ordre du Roi, ils doivent repartir en Bretagne.
En 1432, Richemont est l’acteur d’un épisode assez curieux. Il doit alors aider son frère, allié aux Anglais, pour reprendre la place de Pouancé (Anjou) tenue par le Duc Jehan II d’Alençon. Richemont, que l’idée de combattre aux côtés des Anglais révulse, réussit toutefois à ouvrir des négociations qui aboutissent à la signature d’une paix entre Alençon et le Duc de Bretagne.

Blason du Connétable de Richemont

Blason du Connétable de Richemont

– L’année 1433, voit le retour en grâce de celui que l’on surnomme « Le Balafré » (en raison d’une entaille qui lacère une partie du visage) ou « le Justicier ». En effet, le Parti Angevin rassemblée autour d’Yolande d’Aragon projette de se débarrasser définitivement de La Trémoille, qui d’ailleurs, a de moins en moins l’appui de Charles VII devenu beaucoup plus sûr de lui. Si Richemont et La Trémoille signent la paix entre eux sous le patronage de Jehan V de Bretagne, des tractations ont lieu entre les Angevins et Richemont qui rêve d’en découdre avec le Chambellan. Rassemblant une troupe qui compte aussi Jehan V de Bueil et Pierre de Brezé, Richemont arrive de nuit au Château de Chinon le 3 juin 1433 et se fait ouvrir la porte par des complices. La troupe enfonce la porte de la chambre de Georges de la Trémoille qui, terrorisé, n’ose pas bouger. Un certain Jehan de Rosnivynen tente alors de frapper l’obèse Chambellan au cœur à l’aide d’un poignard mais La Trémoille doit la vie à sa graisse qui bloque la lame ! Finalement, avec l’accord du Roi, Richemont expédie La Trémoille à la forteresse de Montrésor sans aucune autre forme de procès. Peu de temps après, Charles VII remet l’épée de Connétable de France à Arthur de Richemont. Mais il faut dire que le Roi de France gardera une constante méfiance vis-à-vis de son Connétable et fera en sorte que le clan de capitaines bretons ne tire pas toute la gloire de la reconquête. Arthur de Richemont peut alors compter sur un parti de lieutenants qui lui sont dévoués, tous étant issus de la vieille noblesse bretonne : Tugdual de Kermoysan, un spécialiste des sièges et des défenses qui a eu l’occasion de croiser le fer avec Philippe le Bon au siège de Melun en 1419, Prégent de CoétivyPierre de Rostrenen et Jehan Budes, entre autres.

– Placé à la tête de l’Ost royal, Richemont s’emploie alors à la renforcer en attendant la reprise des hostilités. En 1434, le Connétable de France réussit à dégager Laon et Soissons. En 1435 la signature du Traité d’Arras marque la réconciliation entre Charles VII et le Duché de Bourgogne. En 1436, Richemont mène, avec Jehan de Villiers de l’Isle-Adam, un fidèle de Philippe le Bon une armée franco-bourguignonne, qui encercle Paris par le nord et le sud. On compte dans cet Ost d’anciens compagnons de la Pucelle d’Orléans tels La Hire, Jehan de Dunois, cousin naturel du Roi, Jehan de Brosse Maréchal de Sainte-Sévère et Jehan Poton de Xaintrailles.
Richemont isole Paris en s’assurant le contrôle de la vallée de l’Oise, de la Champagne et de la Brie. L’Ost royal dispose aussi d’appuis dans la capitale, des bourgeois menés par le Receveur aux Comptes Michel de Laillier qui sont entrés en rébellion contre les troupes anglaises et l’administration pro-Lancastre qui gère les affaires de la ville. Finalement, ne pouvant tenir un combat de rue, les Anglais se réfugient alors dans la Bastide Saint-Antoine (Bastille). Richemont leur promet alors la vie sauve s’ils quittent Paris, ce qu’ils font le 15 avril 1436.
Entre 1437 et 1431, Arthur de Richemont et ses lieutenants poursuivent leur chevauchée victorieuse ; Meaux et Montereau tombent. En 1441, Richemont s’empare de Pontoise se qui parachève la délivrance de l’Île-de-France. Toutefois, la montée en puissance et la réussite militaire du Connétable de Charles VII provoquent des jalousies, notamment celle du Comte de Clermont et du Duc d’Alençon qui projettent de l’éliminer avec la complicité du fils du Souverain, le Dauphin Louis. Sauf que la conjuration dite de la Praguerie est découverte à temps par Antoine de Chabannes et les conjurés rapidement défaits en Auvergne.

– En 1442, Arthur de Richemont signe un autre fait d’arme en secourant à temps la place de Tartas tenue par Charles II d’Albret* et assiégée par les Anglais. C’est aussi cette année, qu’Arthur de Richemont épouse se secondes noces Jehanne d’Albret (Marguerite de Bourgogne étant décédée en 1441).
En 1443, exsangues, les Anglais sont contraints de demander la paix qui est signée à Tours. Charles VII peut alors engager d’importantes réformes. Il confie alors la partie militaire à son Connétable, lui donnant ordre de créer un Ost permanent. L’année 1445 voit donc la création des Compagnies d’Ordonnances (car créées par Ordonnance Royale). Organisées par Richemont, ces Compagnies sont pensionnées directement sur le trésor royal. Richemont revalorise alors la cavalerie, tout en en renforçant la discipline. Les hommes doivent être recrutés parmi les plus méritants et la discipline est considérablement renforcée. En outre, les mercenaires et les écorcheurs sont envoyés combattre au-dehors du Royaume.
En 1445, les Compagnies d’Ordonnance sont au nombre de 15-16, formées de 100 Lances chacune (une lance étant équivalente à six hommes). Ainsi, Charles VII peut s’appuyer sur 9 000 – 10 000 hommes en permanence. Si, comme le souligne Georges Minois, les Compagnies de francs-archers, recrutées comme force d’appoint ont une crédibilité douteuse, les Compagnies d’Ordonnance formeront une très bonne force de frappe. Une Compagnie de Gardes (Français et Écossais) est aussi formée. L’idée d’armée permanente à disposition du Roi de France n’est pas nouvelle. Charles V l’avait déjà mis en application mais son idée ne lui survécut pas. Avec Charles VII, s’opère une importante mutation dans l’histoire militaire médiévale, car les Compagnies d’Ordonnance marquent un important progrès de l’expansion de l’État dans le champ politique, au détriment des anciennes coutumes féodales.

– Richemont reprend la guerre contre les Anglais en 1449 et cette fois, avec l’appui complet de son neveu François Ier de Bretagne (le fils du Duc Jehan V disparu en 1442) qui déclare la guerre Henri VI de Lancastre après la prise de Fougères par le routier Surienne l’Aragonais. Charles VII profite immédiatement de l’occasion et déclenche la campagne de Normandie avec Dunois, le Comte de Clermont et son fils Louis. Dunois et Louis marchent respectivement sur Rouen et Dieppe pendant que Clermont marche sur la Basse-Normandie. Quant à Richemont, il remonte par l’Avranchin. Le 14 avril 1450, Richemont et le Comte de Clermont écrasent à peu de frais les 3 000 piétons et archers anglais de Thomas Kyriell. Le massacre est complet. Richemont et ses lieutenants, s’emparent ensuite de Caen, puis de Cherbourg où son tués Rostrenen et Kermoysan, ce qui rend leur chef inconsolable. Mais Charles VII, fera en sorte de masquer la campagne réussie de Richemont pour mieux fêter celle de Dunois et du Comte de Clermont.
La campagne de Normandie est le dernier fait d’arme d’Arthur de Richemont, Charles VII le tenant à l’écart pour la conquête de la Guyenne. Toutefois, l’appareil militaire qu’il a contribué à forger contribuera à la victoire de Castillon, à laquelle participent des Bretons (Guy de Laval-Montmorency de Lohéac et François d’Etampes).

– Pendant près de sept ans, Arthur de Richemont reste éloigné des affaires politiques quant en 1457, son neveu Pierre II, frère cadet de François Ier, meurt sans héritier. De jure, selon la coutume bretonne, Arthur de Richemont devient Duc de Bretagne et prend le nom d’Arthur III. En cela, il doit rendre l’Hommage au Roi de France. Mais Arthur III rend l’Hommage non-lige à Charles VII qui lui proposait la dignité de Pair de France… ce qui l’aurait contraint à rendre l’hommage-lige, ce dont la noblesse bretonne ne savait accepter. Finalement, Charles VII acceptera de mauvais gré que son ancien Connétable lui rende l’Hommage non-lige.

– Arthur III ne reste pas longtemps Duc de Bretagne puisqu’il disparaît le 26 décembre 1458. Il reste incontestablement l’une des plus grandes figures militaires de la Guerre de Cent Ans.

Lire :
– FAVIER Jean : La Guerre de Cent Ans, Fayard
– MINOIS Georges : La Guerre de Cent Ans, Perrin, coll. Tempus
– MINOIS Georges : Charles VII, Perrin