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Le char Renault FT-17

S’il y a bien une création militaire  française dont on peut encore s’enorgueillir, c’est bien le char Renault FT-17, qui reste indubitablement lié à la Victoire de 1918 qui vit le retour de la guerre de mouvement sur le Front de l’Ouest.

Il répondait alors davantage aux attentes de l’État-major et du Commandement Interallié, bien mieux que les lourds et peu manœuvrables Schneider et Saint-Chamond. Produit à près de 3 500 exemplaires – un record pour l’époque – il a énormément influencé la doctrine blindé et l’industrie de l’armement des États-Unis à l’Union Soviétique. Retour sur un « joyau » de la Grande Guerre qui a marqué et influencé le combat mécanisé dans son ensemble.

– Besoin d’un nouveau char

C’est en 1916 que les premiers chars d’assaut font leur apparition sur les champs de bataille de la Grande Guerre. Le Tank MK britannique, conçu par Ernest Swinton comme un engin forceur de barbelés, fait ses premières armes lors de la Bataille de la Somme. Les ingénieurs Français emboîtent immédiatement le pas aux Britanniques et sortent des usines du Creusot et de l’Île-de-France deux engins : le Scheider et le Saint-Chamond (qui resteront en service jusqu’à la fin de la Guerre). Enfin, les Allemands sortiront une poignée de Panzer A7V de leurs usines au début de l’année 1918.
L’emploi des chars, vise en fait à appuyer l’Infanterie par un « feu mobile.»  Le Commandement français se montre enthousiaste malgré certaines réserves et son persuadés de réussir là où Haig a échoué, à savoir rompre les lignes allemandes et emporter la décision. Les deux types d’engins sont engagés pour leurs premiers combats au Chemin des Dames (avril 1917). Mais ils se révèlent trop peu maniables. Certains restent coincés dans des cratères d’obus et sont réduits au silence par les artilleurs du Kaiser qui trouvent la parade. Les pachydermes presque sourds et aveugles sur le terrain, se font donc prendre à partie avec succès, par les Grenadiere et l’Artillerie sans briller particulièrement.
En dépit l’échec de l’Offensive de Nivelle, le Commandement français n’abandonne pas pour autant l’idée de développer la nouvelle arme blindée. Dès la fin de 1916, le Colonel Jean-Baptiste Estienne, passé par l’organisation de l’Aviation française, qui se penche sur la question en retenant les leçons du Chemin des Dames. Estienne reste encore à ce jour considéré comme le Père de l’Arme Blindée française ; ou plutôt de « l’Artillerie d’Assaut » comme on dit à l’époque.
Estienne préconise donc, que pour atteindre les lignes ennemies, il faut un engin beaucoup plus léger, capable de se mouvoir plus facilement sur le terrain. Il faut donc sacrifier la puissance de feu au profit de la mobilité et ainsi, réduire l’équipage. L’ingénieux colonel estimait que le char devait opérer selon le triptyque suivant : 1 : Appuyer l’Infanterie ; 2 : Forcer les lignes de barbelés pour ouvrir le passage ; 3 : Réduire au silence les nids de mitrailleuses allemands qui causaient encore des pertes meurtrières dans les rangs Français. La révolution principale vint de l’idée qu’eut Estienne de doter le nouveau char léger d’une tourelle pouvant pivoter à 360° tous azimuts. L’engin pouvant garder son cap, tout en neutralisant les positions de mitrailleurs comme de fusiliers situés sur ses flancs.
En Somme, Jean-Baptiste Estienne prône d’engager ni plus ni moins qu’un char de percée.

– Conception et fabrication

En novembre 1916, alors que les combats de Verdun sont dans tous les esprits, le Commandement français fit alors appel à l’industriel Louis Renault, alors spécialisé en automobiles, canons mais aussi tracteurs agricoles. Renault reçut alors la commande avec le cahier des charges dressé selon les recommandations d’Estienne. Louis Renault et l’un de ses adjoints, Rodolphe Ernst-Metzmaier, mettent alors au point un premier modèle de petit char de combat. Le premier prototype fonctionnel sort des ateliers de Boulogne et Renault le teste devant une commission militaire en mars 1917.
L’engin pèse 6.7 tonnes, est long de 4.9 m, large de 1.73 et haut de 2.13.  La caisse est inclinée et profilée en triangle isocèle et le compartiment moteur se situe à l’arrière. Les chenilles larges de 34 cm sont débordantes et actionnées par un train de roulement formé par deux roues avant. Celles-ci, à six rayons, sont tout en acier et recouvertes par un revêtement en tôle ou en contreplaqué de bois. En outre, les deux chenilles sont constamment et automatiquement maintenues en état de tension. Le Renault FT-17 dispose aussi d’une bonne garde au sol de 43 cm.

Général Jean-Baptiste Estienne (1860-1936)

En ce qui concerne le moteur, on installe un modèle Renault de 35 CV à la puissance massique de 5 CV/tonne. Le blindé monte à 8 km à l’heure, ce qui pour l’époque est dans la bonne moyenne.
Le premier modèle de tourelle conçu Girod est alors arrondi et moulé. En 1918, on préférera monter la Tourelle Berliet, à la carapace rivetée. Pour l’armement, on dote le Renault FT-7 avec deux armes différentes : la Mitrailleuse Hotchkiss 7.62 mm Modèle 1914 ou  bien du canon Puteaux SA1918 de 37 mm.  De plus, son blindage est épais de 6 à 22 mm d’acier.
Quant à l’équipage, il nécessite seulement un binôme : le chef de char qui fait aussi office de tireur et le pilote. Le premier tient place debout dans la tourelle, derrière le pilote. Le chef donne ses ordres d’orientation en… appuyant ses genoux dans le haut du dos du pilote. Pour arrêter l’engin, il a juste à taper sur le casque de son collègue.
Le Char Renault se révèle bien conçu pour les besoins de l’époque, fiable et assez agile. Il est aussi économique à produire et à entretenir. Il peut en outre franchir un gué à hauteur de 70 cm et passer sur un obstacle haut de 60 cm. Toutefois, il a de sérieux défauts d’ergonomie dus à son absence de suspension. En manœuvre comme en opération, le pilote devait jouer savamment des pédales de frein et d’embrayage afin d’éviter de faire piquer du nez au char trop brusquement, ce qui pouvait lui causer des dommages à la colonne vertébrale. De plus, l’étroitesse de la caisse et le centre de gravité placé en hauteur ne procuraient pas une bonne assise au char, surtout en tout terrain. Ainsi, une mauvaise manipulation de commande, ainsi qu’une trop forte déflagration d’obus pouvaient faire basculer le char.
Il se caractérisait aussi par la dureté, voire quasi-absence, de sa suspension. Lors des franchissements le conducteur devait jouer avec l’embrayage et le frein pour éviter de faire retomber brutalement le char en avant, ce qui aurait risqué de lui entraîner des dommages à la colonne vertébrale. De même, en tout-terrain il devait être extrêmement prudent à cause de l’étroitesse de la caisse qui, associée à un centre de gravité assez haut, pouvait facilement entraîner un basculement latéral et un retournement.

– Le FT-17 au combat

Tout d’abord, le nouveau char équipe très vite les nouveaux Régiments « d’Artillerie d’Assaut », dont le 501e RAS « ancêtre » du Régiment de la 2e DB. Ce sont aussi les Américains de Pershing qui adoptent très vite le nouvel engin. Ils en équipent deux unités, les 303rd et 304th US Tank Battalions, dont l’entraînement est confié à un certain Major George S. Patton…
Les Allemands découvrent avec désagrément les capacités de combat du Renault FT-17 lors de la Seconde Bataille de la Marne à Ploisy-Chazelle. Le char y fait très bonne impression et est engagé immédiatement sur d’autres points du front (Argonne, Champagne, Picardie, Flandres). En septembre, les Américains en font aussi bon usage lors de la percée du Saillant de Saint-Mihiel.

– Après la Grande Guerre

Le Renault FT-17 va connaître un succès que le commandement français n’attendait pas. La Finlande, l’Estonie, la Lituanie, le Pologne, le Roumanie, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Suisse, l’Espagne, le Japon, la Chine Nationaliste et même l’Iran vont en acheter à la France. Succès d’autant plus important qu’il inspirera d’autres chars occidentaux et deviendra la base d’inspiration et d’étude pour la conception de chars plus moderne, notamment grâce à sa tourelle. L’Italie produira notamment le FIAT 3 000, une copie quasi-conforme du modèle français. Et les Américains en ont produit pas moins de 950 qu’ils baptisèrent « 6 Tons Tank ».On trouvera enfin le FT-17 engagé dans divers conflits et même pendant la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, il fut déployé pendant les opérations de Syrie menées par le Général Henri Gouraud, la Guerre Civile Russe et la Guerre Russo-Polonaise, où il fit forte impression aux Bolcheviks. On en trouva même durant la Guerre Civile Chinoise et la Guerre d’Espagne dans le camp nationaliste comme chez les Républicains. Enfin, en 1939 on en trouvait une bonne proportion dans les rangs des Armées Polonaises et Française. Le Royaume de Yougoslavie en alignera en 1941. Durant l’occupation, les Allemands en récupèreront plus de 1 700 et les engageront dans des opérations contre les maquis. On en trouvera même dans les Kampfgruppen formés à la hâte durant la bataille d’Arnhem (septembre 1944). Enfin, les Forces Françaises de Syrie commandées par le Général Dentz et restées fidèles à Vichy en aligneront encore face aux Indo-Australo-Britanniques et FFL.

Source : http://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=1888