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Chroniques des Dardanelles – 9

– KUM KALE : LE SUCCÈS (SANS LENDEMAIN) DES FRANÇAIS

– Conformément au plan de Hamilton, le Corps Expéditionnaire d’Orient du Général d’Amade doit débarquer sur la péninsule de Çanakkale afin de protéger le débarquement britannique au Cap Helles. La 1re Division du CEO (Maurice Bailloud) doit notamment détruire les batteries d’artillerie installées à Kum Kale. Le 6e Régiment Mixte d’Infanterie Colonial du Colonel Noguès doit débarquer près du vieux fort détruit et du village.
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– Le terrain où les Français doivent opérer est formé par une bande de terre large de 450 m coincée entre la Mer Egée et la rivière Mendere et dominé par le Mont Orkanie, entre Yeni Shehr au sud-ouest et Kum Kale au nord-est. Rappelons qu’en février, le raid des Royal Marines du Commodore Robinson avait détruit la batterie installée sur Yeni Shehr.
Seulement, la présence de canons indique clairement que les forces françaises devront affronter des troupes turques plus concentrées. C’est la 3e Division du XVe Corps turc qui défend cette partie de Çanakkale.

– Le débarquement est prévu juste après l’aube. Les fantassins français prennent place sur le « Jeanne d’Arc », pendant que le croiseur russe « Askold » effectue le tir préparatoire direct sur Kum Kale, tandis que les autres navires de guerre bombardent les collines alentour. Notons bien que les fantassins français engagés sont bien différents de leurs camarades de 1914. Le pantalon garance a disparu et les troupes coloniales sont vêtues d’uniformes de couleur sable, bien plus adaptées au terrain.

– Très vite, le débarquement des Français rencontre plusieurs problèmes sérieux. D’une part, le fort courant des Dardanelles cause de sérieux retard dans l’acheminement des troupes. Finalement, à 10h00, les éléments de tête du 6e RMIC commence à débarquer sur une petite jetée en bois près des ruines du Fort de Kum Kale. Il n’y a pas d’opposition ennemie puisque les troupes turques présentes dans le secteur se sont repliées sur la Mendere. Les Français essuient tout de même un tir d’artillerie provenant de la batterie d’In Tepe. Kum Kale est très vite occupé et dans l’après-midi, tout le 6e RMIC et une batterie de canons de 75 mm du 8e Régiment d’Artillerie sont à terre. A 17h30, les Français avancent vers le cimetière de Kum Kale et le Mont Orkanie.
Mais les Turcs réagissent en début de soirée. A 18h00, une reconnaissance aérienne fait était d’une forte concentration de fantassins à Yeni Sher. Noguès arrête alors son attaque et regroupe ses bataillons sur Kum Kale et fait creuser des tranchées sommaires.

– A 20h30, les éléments de la 3e Division turque lancent la première contre-attaque. Les combats sont violent. Les Turcs réussissent à enfoncer la ligne française sur un point, forçant Noguès à lancer une vigoureuse contre-attaque pour les rejeter. Heureusement, pour le 6e RMIC, les canons de 75 mm et le soutien naval trouent les rangs des Turcs qui doivent se replier à la nuit.

– Le 26 avril, les Français reprennent leur avance sur Yeni Shehr, appuyés par les navires. Mais à 07h00, à leur grand étonnement, un parti de Turcs se rend et indique vouloir parlementer. Mais suite à un cafouillage (ou une erreur d’interprétation) plusieurs soldats français sont faits prisonniers pendant qu’une centaine de Turcs réussit à investir plusieurs maisons du village de Kum Kale pour s’y barricader. Bien que pris aux pièges, ils se battent farouchement au point qu’il faut faire donner les « glorieux 75 » pour les faire taire. Du côté du cimetière, le Bataillon de Tirailleurs Sénégalais du 6e RICM monte à l’assaut bien appuyé par les canons de campagne. Mais étonnamment, à 15h00, les 500 soldats turcs qui tiennent les tranchées se rend. Il semble que le feu des canons de 75 mm et le tir naval les aient conduits à déposer les armes. Les pertes françaises ont été particulièrement lourdes pour deux jours de combats : 778 hommes tués, blessés, prisonniers ou portés disparus. En revanche, ils ont infligé 1 730 pertes à leurs adversaires et capturé 500 prisonniers (1).

– Mais le 26 avril, Ian Hamilton ordonne à d’Amade d’arrêter les opérations de Kum Kale pour envoyer une brigade et l’artillerie de la 1re Division sur le Cap Helles afin d’appuyer la 29th Division. Il n’est dès lors plus question d’envoyer des renforts à Kum Kale et à 11h30, d’Amade demande au général britannique de pouvoir évacuer le 6e RCIM et l’artillerie, ce qui lui est accordé.
Durant la nuit du 26 au 27, la marine française évacue le vaillant régiment colonial et les canons de 75 mm dans un ordre parfait pour les envoyer sur le Cap Helles. Le 27 avril, les Turcs réoccupent tout Kum Kale.

(1) in HART Peter : Gallipoli