Vous êtes ici : France Histoire Esperance » Histoire » Chroniques de la bataille de Normandie – 4/ Les ports Mulberry

Chroniques de la bataille de Normandie – 4/ Les ports Mulberry

La construction des « Mulberry » (« Mûre ») date de l’année 1942 et cela, avant même le raid sanglant sur Dieppe qui venait confirmer qu’un assaut sur un port bien défendu mènera à l’échec. Churchill s’y intéressa, de même que Lord Louis Mountbatten, chef du Commandement des Opérations Combinées. déclare « puisque l’on ne pourra pas s’emparer d’un port, on va l’acheminer et le construire sur place ».

Arr. Mulberry 'B' 6

1 – NAISSANCE DU PROJET ET CONCEPTION

Une équipe de 1 000 ingénieurs et de techniciens britanniques dirigée par le Gallois Hugh Iorys Hughes conçoit et fait tester dans le plus grand secret, des nouveaux types de jetées en béton « Hippo » et des ponts flottants « Crocodiles ». L’Ingénieur Hamilton fait aussi tester son « Swiss Roll » (Balancier Suisse), une sorte de « piston » montant et descendant selon la marée, ainsi que les voies flottantes « Whales » (« Baleines ») composées de ponts flexibles mis au point par Alan H. Becket. Seulement, les « Balanciers Suisses » ne pouvaient supporter que des camions de 7 tonnes. Et durant une tempête, les « Hippos » furent sérieusement endommagés par une tempête, pendant que les « Swiss Rolls » furent aussi emportés par le vent. Du coup, la War Office sélectionne les « Whales » de Beckett qui avaient tenu le coup dans la tempête.

Toujours en 1942, le Vice-Amiral John Hughes-Hallet est nommé Chef d’état-major naval pour l’Opération « Overlord ». Lors de la Conférence « Quadrant » à Québec en août 1943, le projet est présenté par le War Office aux commandants alliés.

2 – CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES

Hughes et ses ingénieurs prévoient ainsi de constituer 6 kilomètres de digues et de jetées répartis en deux ports, le tout devant former 500 hectares, soit la capacité du port de Douvres et nécessitant 600 000 tonnes de béton.

Les ports proposés se composent alors en trois parties :

1 – Jetées et digues artificielles pour créer un bassin abrité de la houle ; avec les caissons « Phoenix » et des Bombardons (caissons métalliques en forme de croix) coulés dans les eaux les plus profondes, 212 au total. Il faut y ajouter 56 vieux navires Blockships (dont plusieurs vaisseaux français de la Grande Guerre) qui serviront de brise-lames. Les « Phoenix » sont fabriqués à Portland dans le plus grand secret par trois entreprises privées : Robert McAlpine, Peter Lind & Co et Balfour & Beatty, toujours existantes. Ils mesurent 70 mètres de longueur, 20 de hauteur et 15 de large et sont formés de cloisons intérieures qui permettent d’assurer leur stabilité lors du lestage en eau.

LD124-p118-PhoenixRemorqueur2 – Quais de déchargement où accostent les navires. Ils peuvent être équipés de grues    déchargeant du ravitaillement.

3 – Voies flottantes, composées de 33 plateformes coulissantes Lobnitz (mises au point par Pearson Lobnitz) reliant les quais à la côte. Chaque plateforme mesure 70 m de long pour 20 de large et pèsent 1 100 tonnes. Les plateformes suivent le cycle des marées grâce à un système de coulisse formé de quatre chandelles en acier qui reposent sur le fond marin. A Arromanches, 7 plateformes Lobnitz sont installées pour accueillir les quais flottants qui sont remorqués depuis l’Angleterre. Les différents quais assemblés les uns aux autres forment alors un quai géant de 750 m de long.

Schéma coupé d'une plateforme Lobnitz

Schéma coupé d’une plateforme Lobnitz

Plateforme Lobnitz vue de surface

Plateforme Lobnitz vue de surface

4 – Les passerelles métalliques « Whales » sont ensuite fixées aux quais – sous la conduite d’Alan Beckett – avant d’être assemblées entre elles jusqu’à la plage. Chaque passerelle mesure 24 m de long pour un poids de 28 tonnes. Et pour suivre un mouvement parallèle aux quais pendant les marées, elles reposent sur des flotteurs en béton, « vidées ». Les passerelles forment des tronçons de 150 de long et en tout, ce sont 15 km qui vont être installés.

MulberryB-2
3 – VIE DU PORT 

Le 7 juin, les 56 Blocships quittent Poole par remorquage et sont positionnés devant Saint-Laurent-sur-Mer (Mulberry A) et devant Arromanches (Mulberry B) pour être ensuite coulés. L’ensemble du port est ensuite assemblé sous la conduite des ingénieurs dont Beckett et Hamilton. L’installation rapide des infrastructures permet d’y faire débarquer un flux important de renforts, de matériels et de véhicules. Par exemple, en deux jours, toute la 2nd Armored Division américaine (12 000 hommes, 120 chars) est à terre et se déploie à partir d’Omaha Beach.

Le 19 juin, une grosse tempête se lève en Manche, pendant trois jours avec des vents de force 6 à 7 soit des rafales de 45 à 60 km/heure, avec des creux de deux à trois mètres. Le port américain de Saint Laurent sur Mer subit les plus gros dégâts. Les caissons brises-lames coulés en eau trop profonde et les blockships ont été trop espacés et n’ont pas à retenu la houle. D’autre part, plusieurs plateformes coulissantes Lobnitz perdent leurs montants. Les Alliés décident de ne pas le reconstruire faute de moyens et récupèrent les éléments encore utilisable pour renforcer le port britannique.
La destruction de Mulberry A a provoqué un déficit de 20 000 véhicules et de 140 000 tonnes de ravitaillement.

Mulberry B continuera de fonctionner jusqu’à la prise du port d’Anvers par les Britanniques en octobre 1944. Mais de leur côté, début juillet, les Américains auront remis en état le port de Cherbourg qui dispose d’eaux profondes. La réutilisation de Cherbourg permettra aussi d’acheminer le PLUTO (Pipe Line Under The Ocean), assurant un flux continu de ravitaillement en carburant pour les véhicules alliés, capacité qui manquait aux Mulberry.

Suite…