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Chroniques de la Bataille de Normandie – La bataille des Haies (première partie)

Après la prise de Cherbourg, Omar Bradley peut passer à la seconde phase de la conquête du Cotentin. Son objectif, la saisie d’une Ligne Coutances – Marigny – Saint-Lô, ainsi que le contrôle de la route Saint-Lô – Perriers. Deux Army Corps sont mis en lice ; le VIIIth Corps du Lieutenant-General Troy H. Middleton et le VIIth Corps  de Collins. Natif de Bâton-Rouge en Louisiane, ancien officier de la Première Guerre mondiale et commandant de la 45th Infantry Division en Sicile et en Italie, Middleton a la réputation d’être un chef capable, calme et réfléchi.  Son VIIIth  Corps, avec les 79th et 90th Infantry Divisions et la 82nd Airborne Division, doit s’emparer d’un secteur rectangulaire long d’environ 10 km allant de Lessay jusqu’aux bords sud-ouest des marais du Merderet. La capture de Lessay est importante stratégiquement car la ville est un nœud routier qui permet de rejoindre Coutances et Periers.
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1 – LE PLAN DE BRADLEY  

– La disposition du VIIIth Corps (PC près de Saint-Sauveur-le-Vicomte) est la suivante (voir carte ci-dessus). A l’est, la  90th « Tough Ombres » de Landrum s’appuie sur une ligne Baupte – Les Sablons – Prétot, avec le 357th Infantry-Regiment placé en avant. Ensuite, la  82nd Airborne de Ridgway se tient à la droite de la 90th dans un secteur allant de Prétot à la moitié est Prairies Marécageuses au sud de la Douve et faisant face à la Crête de la Poterie. Enfin, la 79thcouvre une ligne allant la moitié ouest des Prairies marécageuses (1/313th) jusqu’à la petite ville côtière de Portbail. Quatre éminences « coiffent » la ligne de front : la Crête de Montgardon (Cote 84) à l’est de La Haye-du-Puits, les Cotes 121 et 131 au centre du dispositif américain et le Mont-Castre. Chacune domine les zones marécageuses en aval de leurs versants nord -nord-est. Par conséquent, l’assaut américain s’effectuera dans un premier temps de nord-est en sud-ouest (82nd et 90th) avant d’enchaîner pouvement sur un axe nord-sud (Portbail – La Haye du Puits – Lessay).

VIIIC2-70744– Enfin, l’effort principal de l’offensive de Middleton doit être fournit tout à l’ouest (le long du littoral) par les 79th Infantry Division du Major-General Ira T. Wyche, celle-ci devant forcer le verrou de La Haye-du-Puits et avancer vers Coutances, pendant que la 90th doit s’emparer du Mont-Castre. Quant à la 82nd Airborne Division de Matthew B. Ridgway, elle doit mener son dernier combat en Normandie en s’emparant de la Crête de la Poterie avant de partir au repos en Grande Bretagne. Pour le soutien en artillerie, Middleton dispose au nord de La Haye du Puits, 9 Artillery Battalions (Col. John E. McMahon) dont 2 de Heavy Howitzers (obusiers lourds) de 240 mm, afin de neutraliser les postes d’observation d’artilelrie ennemis situés en hauteur. Toutefois, le renseignement de la Ist Army est partagé sur les capacités de réactions allemandes. Les optimistes, tels le Colonel Anthony Reeves (Intelligence Officier), s’appuient sur le fait que von Choltitz n’a pu lancer de contre-attaques pour briser l’encerclement de Cherbourg, tandis que les prudents font remarquer qu’à défaut de contre-attaques efficaces, les GI’s devront sans doute faire face à une résistance très dure.

Troy H. Middleton

Troy H. Middleton

General der Artillerie Dietrich von Choltitz

General der Artillerie Dietrich von Choltitz


2 – DISPOSITIF DÉFENSIF ALLEMAND

– En face, le SS-Oberstrgruppenführer Paul Hausser, commandant la 7. Armee allemande peut compter sur le LXXXIV. Armee-Korps de Dietrich von Choltitz qui tient la ligne La Haye-du-Puits-Saint-Lô et le II. Fallschir-Korps d’Eugen Meindl qui défend le secteur Saint-Lô – Caumont, soit sur douze divisions à la valeur combative variable. Face à Middleton von Choltitz aligne la 77. Infanterie-Division (Oberst Bacherer), la  353. ID (Generalleutnant Paul Mahlmann, un vétéran de la campagne de Russie), ainsi que des éléments de la 5. Fallschirmjäger-Division (Gustav Wilke), des restes de la 243. ID, comme de la 91. Luftlande-Division (rassemblés dans un gros Kamfgruppe de 3 500 hommes commandés par l’Oberst Eugen König), un Kampfgruppe de la 265. Infanterie-Division arrivé de Bretagne, ainsi que plusieurs unités d’Osttruppen (Ukrainiens, Russes et Géorgiens) dont la qualité combative laisse à désirer.

– La défense de von Choltitz s’articule entre le littoral et le Mont Castre, le long de la Mahlmann-Linie, formée rapidement par le patron de la 353. Infanterie-Division. Celle-ci a l’avantage de compter comme sous-officiers, bon nombre d’anciens grognards aguerris du Front de l’Est qui n’ont plus rien à prouver en matière de défense.
Le dispositif défensif de von Choltitz est le suivant : les restes de la 243. ID tiennent la partie de la Mahlmann-Linie allant du littoral jusqu’à la Cote 84, le 353. ID se concentre entre La Haye du Puits et l’est du Bois de Beaucoudray, pendant que la 77. ID, épaulée par le Fallschirmjäger-Regiment 15 de l’Obest Kurt Gröschke (détaché de la 5. FJD), s’appuie sur l’ouest de Beacoudray, le Mont-Castre, la Crête de la Poterie et les plaines marécageuses de Gorges.

– Seulement les Américains vont très vite se rendre compte que leur supériorité numérique et matérielle va être rudement mise à mal par le bocage normand. Le renseignement de l’US Army a chiffré à près de 3 900 le nombre de haies. Comprenant très vite que la mobilité ne sert à rien, les Allemands mettent à profit leur connaissance du terrain pour établir la « tactique de l’échiquier ». Celle-ci consiste à garnir les haies de points défensifs (trous, casemates, abris bétonnés) tenus part des petits détachements de Grenadiere et de Fallschirmjäger articulés autour de canons FlaK 88 mm, de canons antichars PaK 38 et 40, de mortiers et de mitrailleuses MG 34 et 42. Celles-ci provoqueront 75 % des pertes de forces américaines durant cette partie de la campagne. Les points défensifs communiquent entre eux par tout un résereau de tranchées et de fossés et disposent d’un radio ou d’un Telfunken qui peut communiquer avec les unités d’artillerie ou de mortiers. En outre, les blindés (Panzer et Sturmgeschützte) sont placés en position défensive ou en réserve. Les champs sont aussi abondamment minés et garnis de bâtons collorés qui servent de points de repères au servant de mitrailleuses pour leurs tirs de barrage. D’autre part, des petites équipes de Panzeknackers (« Casseurs de chars »), armés des Panzerfaust et Panzerschreck, se tiennent prêt à intervenir sous le couvert des haies en cas d’arrivée de chars américains. Enfin, des dizaines de snipers armés de l’incomparable fusil Mauser 98K à lunette Zielfemrohr 39 ou ZF 41 sont chargés de créer l’insécurité dans les lignes ennemies (technique de combat nettement inspirée de l’Armée Rouge…).  Comme l’avouera plus tard un officier de la 90th Division : « Les Allemands n’ont pas grand-chose, mais par l’enfer, ils savent utiliser ce qu’ils ont ! ».
3 – L’OFFENSIVE AMÉRICAINE

a ) La Crête de la Poterie

– L’attaque de la 82nd Airborne de Ridgway démarre aux premières heures du 3 juillet à 5h30, par un un temps frais et pluvieux, ce qui ne permet pas aux GI’s de recevoir l’appui des P-47 Thunderbolt du IXth Tactical Air Command. Sur la droite, le 505th Parachute Infantry Regiment du Lt-Col. William Ekman ouvre la marche avec l’une des compagnies. Celle-ci est guidée par un jeune français qui fait contourner les positions allemandes aux parachutistes qui parviennent au pied du versant nord de la Cote 131. Le secteur est tenu par un groupe d’Osttruppen qui préfère s’enfuir sans demander son reste après quelques échanges de coups de feu. Poursuivant son avance, le 505th atteint la route Saint-Sauveur-le-Vicomte – La Haye-du-Puits au prix de 4 tués et 25 blessés contre 142 prisonniers ramassés.
De son côté, le 508th PIR du Col. Roy E. Lindquist obtient un succès similaire en s’emparant du versant sud de la Cote 131 avant de faire sa jonction avec un Battalion du 507th PIR (Col. Edson D. Raff). Peu de pertes sont enregistrées.

– Malheureusement, l’affaire est moins bien embarquée sur la gauche de la 82nd. En effet, le 325th Glider Regiment  du Col. Harry L. Lewis, appuyé par des Sherman du 712th Tank Battalion et qui doit s’emparer de la Crête de la Poterie par l’est, se heurte à violent tir de barrage venu des pentes du Mont-Castre. Les parachutistes de Ridway piétinent et n’avance que de 800 m durant la journée. Le Patron des « All Americans » (surnom de la 82nd) réoriente lors les 505th et 508th PIR auxquel il ordonne de s’emparer de la Cote 95 afin d’atablir le contact avec la 79th. L’assaut tourne d’abord à la confusion car plusieurs bataillons des deux PIR ont grand mal à coordonner leurs actions. Finalement, grâce à l’appui de l’artillerie de la division, le 3/508th réussit à gravir la Cote 95 mais se fait violemment malmené aussitôt arrivé au sommet. Il doit alors se replier de 750 mètres en arrière. Il faut attendre que le 505th bataille pour parvenir au pied de la Cote et établisse le contact avec le 3/313th de la 79th.

– Les 3 Battalions du 505th se retrouvent alors au contact direct des lignes allemandes et Ridgway ordonne de lancer une attaque nocturne dans la nuit du 4 juillet pour s’emparer définitivement de la Crête de la Poterie. Le 325th GR réussit à sécuriser le versant nord-est de la Cote pendant que le 508th PIR s’empare définitivement de la Cote 95 malgré quelques difficultés. L’assaut se passe moins bien sur l’extrémité du versant est, le 507th se retrouvant à mener un assaut confus en raison de l’obscurité. Après avoir opéré une retraite pour réorganiser son réégiment, le Colonel Raff relance ses hommes à l’assaut qui s’assurent le contrôle définitif de la Cote 95 durant la matinée du 5 juillet. Le contact est alors solidement établi avec les 79th et 90th Divisions et les dernières poches ennemies sont détruites le 7 juillet.
Toutefois, les pertes de la 82nd sont particulièrement lourdes. Le 325th ne compte plus que 997 hommes sur une dotation normale de 2 973 (il faut toutefois prendre en compte les pertes accumulées depuis le Jour-H). C’était donc le dernier combat de la Division de Ridgway. Elle va être vite remplacée par la 8th Infantry Division.

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b) Une semaine pour prendre le Mont Castre

– De son côté, appuyée par les Sherman du 712th Tank Battalion, la 90th Infantry Division « Though Ombres » du Major-General Eugene M. Landrum s’élance de la ligne Port-Bail – Pretot afin de percer la Mahlmann Linie entre le Mont-Castre (Cote 122) et Beaucoudray, face aux éléments des 275. ID77. ID et du Fallschirm-Regiment 15 de l’Oberst Gröschke. La mission de prendre la Cote 122 par le versant ouest revient au 358th Infantry Regiment (Col. Richard C. Partridge – droite), ainsi qu’à 2 Battalions du 359th Infantry (Col. Clark K. Fales – centre).  Simultanément, le 357th Infantry (Col. George H. Barth) doit ouvrir un corridor de percée entre Beaucoudray et les marais de Gorges en bénéficiant de l’appui de l’artillerie divisionnaire.

– L’assaut  américain de la 90th démarre sous la pluie et dans un terrain détrempé peu propice à une progression rapide. Il est imméditatement stoppé net par les tirs de mortiers et de mitrailleuses ennemies. Les officiers américains ne parvienennt pas à bien coordonner les efforts de leurs unités. En une journée, les deux Regiments n’avance que de 1,5 km pour la perte de 600 hommes. Aucun gain notable n’est enregistré ce jour-ci hormis la prise du village Les Belles Croix où 25 prisonniers allemands sont pris. Dans la nuit du 5 au 6 juillet, le Fallschirm-Regt 15 lance plusieurs contre-attaques qui sont toutes repoussés par les GI’s.

– Le 5 juillet, du côté de Beaucoudray, le premier assaut du 357th (5 juillet) tourne très vite au fiasco. Si après la destruction d’un Sturmgeschützt, trois Compagnies réussissent à avancer d’environ 1 km jusqu’à Beaucoudray et s’installent dans le corridor prévu. Seulement, le 6, elles se font immédiatement cueillir dans les champs par les tirs de mortiers, de canons et de MG des Landsers et Fallschirmjäger. Barth  monte alors une attaque de secours pour sortir ses soldats isolés de la sourricière mais là encore, c’est un échec ca les Allemands lancent de petites contre-attaques qui s’avèrent efficaces. Une partie des isolés réussit à se replier mais une compagnie laisse un bon parti de prisonniers aux mains des Allemands. L’assaut est relancé le lendemain avec l’appui de l’artillerie.
post-34986-0-84591400-1363717928– Le 6 juillet, le 358th reçoit l’ordre de réduire une petite poche allemande autour de Saint-Lithaire. Au prix de deux jours de durs combats, Saint-Lithaire est pris le 7 juillet, le 1/358th ayant ramassé 200 prisonniers. De son côté, bénéficiant d’un retour du beau temps comme d’un bon appui d’artillerie, le 359th de Fales et le 1/358th de Bealke réussissent à s’approcher du versant nord-est du Mont-Castre.

– Le 8 juillet, le 1/358th (Lt. Col. Bealke) et le 3/359th repartent à l’assaut de la pente sud de la Cote 122 dans la Forêt du Mont-Castre pour se faire immédiatelemnt repoussé à la mitrailleuse par les Fallschirmjäger du 15. FjRgt. Les GI’s repartent à l’attaque à 14h00 le 10 juillet dans le brouillard en avançant parallèlement à une piste forrestière dans un terrain particulièrement difficile, ce qui ne faicilite guère la coordination entre les Compagnies. S’ensuivent alors d’autres violents combats contre les Allemands. Ceux-ci lancent une contre-attaque par l’ouest appuyés par des mortiers et des mitrailleuses. Bealke, qui ne peut plus compter sur ses lignes téléphoniques momentanément sectionnées par le feu ennemi, doit alors arrêter la marche de son unité qu’il place en position défensive et les assaillants sont repoussés à l’arme légère. En réponse, Wilke fait donner son artillerie divisionnaire contre le 1/358th qui doit encore se plaquer au sol.
L’assaut des Toughs Ombres reprend à 18h50 avec l’appui de plusieurs Sherman  du 712th TB mais le GI’s sont soumis à un violent tir de barrage de mortiers et de canons de FlaK 88 mm. Plusieurs chars flambent et la K Company se retrouve incapable d’avancer. Pendant la nuit du 10-11 juillet, le 1/358th évacue ses blessés et reçoit le ravitaillement acheminé par les équipes logistiques.
Landrum presse le Colonel Partridge de s’emparer au plus vite du Mont-Castre. Cela fait une semaine que la 90th Division piétine devant la Mahlmann-Linie. Le 11 juillet à 21h00, un Combat Group commandé par le Lt. Miller repart à l’attaque du versant sud du Mont-Castre. Le succès est enfin au rendez-vous, Miller et ses hommes détruisent onze mitrailleuses MG et forcent l’ennemi à se retirer vers le sud. Pendant ce temps, le 3/359th parvient à forcer les défenses allemandes et à se diriger vers le village de Lastelle. Il fait sa jonction avec le Combat Group de Miller à 2h00 du matin le 12 juillet. Ce même jour, le 1/358th réussit à avancer de 3 000 yards vers le sud et atteint le hameau de La Valaisserie où il doit faire la chasse aux snipers allemands maintenus en arrière-garde.

– A partir du 15 juillet, la 90th s’enterre le long de la Seves mais continue de subir plusieurs pilonnages d’artillerie allemande.
La division est épuisée, elle a perdu plus de 2 000 hommes, tués, blessés et portés disparus. Le moral des GI’s valides est particulièrement bas et plusieurs craquent nerveusement, tout comme le commandant de la division, le Major-General Landrum. Sur ordre de Middleton, il sera remplacé par le Major-General Raymond S. McLain dans les jours suivants.
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