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Gustave Thibon : « Le passé ne nous intéresse pas en tant que tel »

« Entre les conservateurs qui barrent l’avenir et les progressistes qui renient le passé, nous devons être avant tout les hommes de l’éternel, les hommes qui renouvellent, par une fidélité éveillée et agissante, toujours remise en question et toujours renaissante, ce qu’il y avait de meilleur dans le passé. Car le passé ne nous intéresse pas en tant que tel ( nous ne sommes ni embaumeurs, ni gardiens de musée), mais comme support et matrice de l’avenir. Et si nous veillons sur les racines, c’est par amour pour les fleurs qui risquent de sécher demain, faute de sève. Toute civilisation digne de ce nom se reconnait à la fécondation perpétuelle du présent par le passé.

Mais le passé ne peut vivifier le présent qu’à condition d’être purgé de ses éléments trop temporels. Ce qu’il faut conserver de lui, c’est la sève qui assurera la pérennité de l’arbre social et non les frondaisons éphémères ou les écorces caduques. Exemple : la sève de la tradition aristocratique n’est pas dans certains usages, certaines manières, certaines fonctions précises ( l’armée, la diplomatie…) ou dans les privilèges qui l’ont accompagnée au cours des ages ; elle est dans la fidélité à quelques valeurs intemporelles : sens de l’honneur, distance avec soi même, dévouement à autrui, liaison indissoluble entre le privilège reçu et le service à rendre, culte de la famille, etc. Ce qui n’exclut pas un minimum de fidélité littérale, car il faut des canaux à la sève… »

 

Gustave  Thibon, Les hommes de l’éternel, Mame, 2012