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Jean de Gassion Maréchal de France

« Mon Ami, c’est à vous que nous devons cette victoire ! » C’est par ces mots que Louis II de Bourbon Prince de Condé remercie Jean de Gassion en lui donnant une franche accolade à Rocroi, le 19 mai 1643. Mais si la postérité attribue encore la grande victoire sur les Tercios espagnols au flamboyant et turbulent Prince, on oublie vite que Jean de Gassion en a été l’une des principales chevilles ouvrières.
Portrait-de-Jean-de-Gassion
– Bien que notre personnage restât fidèle à sa Foi calviniste, c’est grâce en partie à l’Abbé de Pure que nous connaissons sa vie militaire à travers le récit « Histoire du Maréchal de Gassion ». Du Prat a quant à lui rédigé un « Portrait du Maréchal de Gassion ». On connaît aussi son histoire par l’éloge de ses vertus guerrières que fit Théophraste Renaudot dans « La Gazette » au regard de ses faits d’armes. Pour H. Devrillon, Jean de Gassion incarne bien plus la figure des Cadets de Gascogne que Cyrano de Bergerac.
Toutefois, son coreligionaire Gédéon Tallemant des Réaux est beaucoup moins indulgent à son égard dans ses « Historiettes ».
Retour donc sur l’un des plus grands militaires français de la Guerre de Trente Ans, sans doute encore trop occulté par Condé et Turenne.

– Jean III de Gassion voit le jour le 20 août 1609 à Pau au sein d’une famille de Parlementaires béarnais calvinistes. La fraterie compte sept enfants. Son frère aîné, (qui se prénomme aussi Jean) suit lui aussi une carrière de parlementaire et sera président du Parlement de Navarre, puis intendant du Béarn.
A seize ans, en 1625, Jean de Gassion s’engage au service de Charles-Emmanuel Ier le Grand Prince de Piémont. Mais il regagne vite la France pour rejoindre les troupes calvinistes de Henri II de Rohan alors en guerre contre les troupes royales. L’engagement de Gassion s’ancre alors dans l’attitude des Protestants français contestant – armes à la main si nécessaire – la montée en puissance de l’État monarchique. Nous avons peu d’informations sur cette partie de la vie de Gassion mais il est certain qu’il suit le Prince de Rohan dans les combats du Languedoc jusqu’à sa reddition après la bataille de Privas en 1629. Ensuite, Louis XIII confirme la liberté de culte pour les Protestants par l’Édit de Grâce d’Alais. Cette politique, initiée par le Cardinal de Richelieu, a pour résultat de réconcilier une majorité de Protestants et le Couronne. En revanche, les « places fortes » du Poitou, de Guyenne, de Gascogne et du Languedoc, créées par l’Édit de Nantes, sont démantelées.
Gassion décide de quitter le Royaume et va se mettre au service du Roi de Suède Gustave-Adolphe en Poméranie. A ce moment, les Suédois du « Lion du Nord » sont venus prêter main-forte aux Princes luthériens allemands contre les forces du Saint-Empire et les Bavarois catholiques. Gassion participe donc à la campagne d’Allemagne et apprend les méthodes de combats efficaces des Suédois. Il en tire un enseignement fondamental, avec l’exemple des cavaliers d’élite, les Hakkapeliitta : pour favoriser la manœuvre de cavalerie sur le champ de bataille, il faut privilégier la « cavalcade », soit la charge à l’épée et le choc frontal ou de flanc. Jean de Gassion combat donc dans les rangs suédois durant six ans. Entretemps, la France a signé une alliance avec la Suède contre la Maison d’Autriche.

– En 1635, Gassion repart en France et se met au service de la Couronne pour en devenir un loyal serviteur. Par l’Ordonnance de réforme de la Cavalerie de 1635, Louis XIII et Richelieu confient alors la réforme de cette arme à l’officier béarnais. En outre, Gassion se voit octroyé le grade de Colonel, au même titre que les officiers étrangers servant le Roi de France ; à l’inverse les officiers français sont nommés « Mestre de Camp ». Subtilité toutefois, s’il a les statuts d’un officier « étranger », Gassion commande à un Régiment « français » et en cela, répond des ordres du Général de l’armée royale et non pas du Colonel-Général de la Cavalerie étrangère qui a la charge des unités mercenaires. Gassion se retrouve donc à la tête de de 1 600 soldats (un effectif important pour l’époque), avec les appointements qu’il convient. Il dispose de pouvoirs étendu sur cette troupe, notamment ceux de Justice et d’attributions des charges. Ses seconds sont choisis selon leur expérience au sein de formations de cavalerie : de La Vilette, de La Lane et de Balthazar.

– Alors que la France doit affronter l’Espagne à ses frontières, Gassion entreprend activement de réformer la Cavalerie française pour en faire l’instrument de combat principal, alors que les Espagnols misent encore sur la solidité et la puissance de leur Infanterie avec les Tercios. Ça n’est toutefois pas la première fois que des officiers royaux tentent d’impulser un renouveau de la cavalerie royale. Ainsi, en 1632, le Maréchal de Schomberg estime que le la charge de choc n’est pas l’élément décisif. Il estime que plusieurs escadrons doivent charger violemment, pendant que d’autres attaquent au trot avec l’appui des mousquetaires. Mais il faut aussi que le Cavalerie conserve de sa cohésion durant l’attaque afin de ne pas être isolée et essouflée après une charge. C’est pour cette raison que Gassion insiste sur la discipline et l’expérience au sein de son régiment.
Plusieurs nouveaux régiments sont levés et les effectifs montés se portent à plus de 6 600 hommes.  Si l’on en croit Tallemant des Réaux, Richelieu surnomme très vite Gassion « La Guerre ».

– De 1636 à 1639, Jean de Gassion participe aux combats pour la frontière nord du Royaume (Saint-Omer, Hesdin), ainsi qu’à l’échec du siège de Dôle en Franche-Comté. Mais en 1639 toujours, les Pays normands dits de Quart-Bouillon (Avranchin) se révoltent contre l’imposition de la Gabelle à laquelle ils étaient épargnés. Une violente jacquerie, menée par Jean Quetil dit « Jean Nu-Pied », gagne ensuite les régions de Caen et de Rouen. Elle regroupe manouvriers, sauniers, artisans, laboureurs, commerçants mais aussi des petits notables, des nobles désargentés et des prêtres. Craignant que les troubles ne s’étendent à d’autres régions, Richelieu envoie Gassion mater la révolte, pendant que le Chancelier Pierre Séguier – « créature » fidèle du Cardinal – se charge de mettre au pas le Parlement de Rouen qui se retrouve déchargé de ses attributions et prérogatives. Sous les ordres de Séguier, Gassion mène une répression particulièrement féroce. Les soldats royaux sont logés dans les demeures aux frais des familles. L’Armée royale pend et exécute sans retenue dans les campagnes normandes. Finalement, à l’entrée de l’hiver 1639, toute rébellion a cessé en Normandie. En 1642, Jean de Gassion est élevé au grade de Maréchal de France par Louis XIII.

– Le 19 mai 1643, le nouveau Maréchal se trouve aux côtés du jeune Prince de Condé (qui suit ses conseils) à Rocroi face aux troupes du Comte de Fuentés. Gassion tient l’aile droite française avec une partie de l’élite de la Cavalerie (Chevau-Légers, Régiment des Gardes, Hongrois et Croates) face à l’aile gauche espagnole commandée par Don Francisco Cueva de Alburquerque. La charge que lance Gassion – Condé à ses côtés – montre toute son efficacité en culbutant l’aile gauche espagnole, ce qui permet de tourner les arrières espagnols (voir article consacré à Rocroi). C’est donc à la fin de la bataille que le Prince de Condé fait montre de sa reconnaissance envers le Maréchal. En 1644, Gassion s’empare de l’Abbaye Sainte-Colombe de Blendecques. Les combats contre les Espagnols et Impériaux continuent dans les Flandres. En 1647, Gassion assiège la cité de Lens. Il y trouve la mort le 2 octobre. La place tombera l’année suivante sous la conduite du Prince de Condé. Entretemps, le Régiment de Gassion est passé sous le commandement du Lieutenant Colonel de Vilette.
La figure de Jean de Gassion sera activement célébrée après sa mort. On l’utilisera même durant la Fronde pour souligner l’erreur temporaire que fit le Maréchal de Turenne en se ralliant un temps aux rebelles. Ainsi, dans « L’ombre du Maréchal de Gassion parlant à Monsieur de Turenne sur les affaires de ce temps », l’auteur montre la figure du second vainqueur de Rocroi comme un exemple de valeur militaire, de courage et de loyauté envers la Couronne, alors qu’à l’inverse, Turenne se fourvoie.
Source principale :
– DREVILLON Hervé : L’héroïsme à l’épreuve de l’absolutisme. L’exemple du Maréchal de Gassion, http://www.persee.fr