Vous êtes ici : France Histoire Esperance » Histoire » Du rap à Verdun ou la sinistre farce mémorielle

Du rap à Verdun ou la sinistre farce mémorielle

« Pour celui qui en revient, Verdun c’était bien.
Pour celui qui en est mort, Verdun c’est un port. […]
Un champ perdu dans le Nord-Est,
Entre Épinal et Bucarest, […]
C’est une sortie dans le Nord-est,
Sur l’autoroute de Reims à Metz
 »

DSC_0011
Voici ce que chantait joliment Michel Sardou sur un ton mélancolique en 1979, constatant un désintéressement générationnel sur la sanglante bataille. Mais Sardou termine au moins sa chanson par les paroles suivantes : « Mais comme j’avais un vieux à Verdun, et que je n’oublie jamais rien, j’y reviens »
S’il n’oublie rien, le chanteur – qui a souvent agacé – a eu cependant l’élégance de ne pas aller se produire en concert au pied de l’Ossuaire de Douaumont.

Or, visiblement l’Élysée et la Mairie socialiste de Verdun ont oublié ce que signifie le mot respect. Comme le dit Maxime Tandonnet (lire ici : http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/05/11/31001-20160511ARTFIG00111-concert-de-rap-aux-ceremonies-de-verdun-la-france-humiliee.php) : « Verdun ne donne pas envie de rire, ni de danser, ni de s’enflammer sur un air de rap. La commémoration de Verdun n’est envisageable que dans le recueillement dû au calvaire de centaines de milliers de personnes qui ont sacrifié leur bonheur et leur vie à une conception de l’honneur et de la patrie. Un respect infini leur est dû, rien d’autre, et ce respect passe par le silence, la discrétion, et la dignité. Peu importe que l’artiste invité à cette commémoration soit un chanteur de rap, de raï, de reggae, de rock, de hard rock, de variété française, de Techno, de musique yéyé, bebop ou autre. C’est le principe même de l’amusement, du divertissement musical pour célébrer Verdun qui est blessant. S’il doit y avoir une musique, ce ne peut être que celle de la solennité et de l’émotion, la sonnerie aux morts qui fige et glace le sang à la pensée des disparus, de leur souffrance et de celle de leurs proches qui ne les reverront jamais. »

– Démarche consternante dans le fond. Les ordonnateurs des commémorations  du centenaire de Verdun semblent vouloir susciter l’intérêt de jeunes français et allemands en ne leur proposant qu’un concert. La portée que représente la bataille impose autre chose que des chansons, qui plus est des chansons à la tonalité artistique particulièrement douteuse ! En dehors des périodes de pause dans les combats, les Poilus de 1916 n’ont connu que la meurtrière et assourdissante symphonie des bouches à feu, comme le concert des mitrailleuses. Alors, ne dansons pas sur les morts, quelque soit leur camp !

Les survivants de Verdun auraient-il d’ailleurs apprécié d’entendre des airs de musette lorsque fut inauguré l’ossuaire de Douaumont ? J’aurai été fort étonné de voir les Australiens et Néo-Zélandais – et mêmes les Turcs – se livrer à une telle sinistre excentricité quand il fallut commémorer Gallipoli. Et je serai fort surpris que le Gouvernement et l’Armée de Sa Très Grâcieuse Majesté fassent de même le 1er juillet prochain, à Thiepval dans la Somme.
L’actuel maire socialiste de Verdun, Samuel Hazard avait dénoncé jadis le « prix de l’innocence » suite à un fait divers émotionnel à dimension antisémite. De qui se moque-t-il en parlant d’ignorance ? C’est donc encourager l’ignorance sur la Grande Guerre en particulier – et sur l’Histoire de France en général – que d’inviter un rappeur dans des commémorations qui impliquent – directement et indirectement – beaucoup de Français qui veulent se souvenir dignement. Ce qui est proposé autant par l’Elysée que par la Mairie de Verdun est un néant culturel. Ces jeunes qui viendront à Verdun, sauront-ils nommer l’un de leurs arrières-grands-pères ayant été soldat de la Grande Guerre ?

Justement, le rappeur dénommé Black M, qui a qualifié les Français de « koufars » (terme indubitablement hostile et péjoratif), sait-il seulement ce que représente Verdun pour des milliers de familles françaises ? Serait-il seulement capable d’expliquer en quelques lignes ce qui s’y est passé en 1916 ? Au moins a-t-il été clair en admettant que son seul intérêt de se rendre à Verdun (on peut même se demander s’il saurait placer le département de la Meuse sur une carte) est seulement « d’aller sur scène » parce qu’il « aime ça ». C’est très brillant, n’en jetez plus ! Peut-être que Black M se définit-il comme un artiste, libre à lui. Mais dans ce cas, les impôts des habitants de la Communauté d’Agglomération de Verdun (qui co-finance ladite manifestation culturelle) devraient d’abord servir à d’autres manifestations commémoratives qui se voudraient pédagogiques à destination de l’ensemble du public.

C’est donc en tant que sale « koufar » que je suis, trois fois arrière-petit-fils d’aussi sales « koufars » bleus horizons que j’ai rédigé cette petite tribune libre.