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La religion gauloise – 2


3. L’évolution après la conquête romaine

Le premier phénomène que l’on observe est la latinisation du nom de certains dieux gaulois. Ainsi, Lug devient tour-à-tour Lucubus, Lucuves et Lucubo. Le nom latinisé des divinités gauloises peut être suivi des appellations Deus/Dia, Sanctus/Sancta et Dominus/Domina.

Représentation de Succelus sous les traits de Jupiter

Concernant les représentations figurées, on observe une évolution lente mais constante. Ainsi, les grandes divinités du Panthéon gaulois sont rapprochées des dieux et déesses de Rome avec l’attribution d’un habillage romain (toges). Ainsi Succelus peut être représenté avec la barbe et la chevelure de Jupiter. La colonne de Jupiter à l’anguipède, retrouvée à Mayence (cette partie actuelle de l’Allemagne comptant alors une importante population d’origine celte), est surmontée d’un Jupiter à cheval qui écrase et transperce de sa lance un géant dont le corps est surmonté d’une tête de serpent. La lance représente alors la puissance de Taranis.

Les colons romains et les administrateurs envoyés en Gaule vont certes continuer de vénérer les dieux et déesses traditionnels mais ne vont pas chercher à l’imposer. Ainsi, les Gaulois auxquels est laissée la liberté de culte, vont adhérer assez vite à la religion romaine (traditionnelle et civique), tout en conservant l’attachement à leurs propres divinités. Enfin, sous l’Empire, le Culte Impérial s’imposera de lui-même. C’est dans cette optique que sont bâtis le Temple d’Auguste et de Livie de Vienne (au sud de Lyon, actuel département du Rhône), ainsi que le sanctuaire d’Irminenwingert. Ses deux édifices sont chacun placé sur un haut podium tout en se trouvant cerclé par des constructions diverses. Ils marquent ainsi la volonté de Rome de marquer sa dominance sans pour autant susciter de réactions hostiles, tout en exprimant d’une coexistence (voire d’une alliance) pour le progrès. Ainsi, le sanctuaire d’Irminenwingert adopte le type italique sans pour autant abandonner les composantes indigènes.

Ainsi, comme le souligne Simone Deyts, loin d’être le signe d’une quelconque « résistance » gauloise à l’Empire Romain, l’adoption du procédé cumulatif atteste d’une vision d’ensemble intégratrice. Les corporations qui pratiquent ce procédé, le font aussi souvent selon une dimension sociale et politique.

En tout cas, on observe dès le Ier siècle ap. J-C, une coexistence des appellations qui influencent la dénomination des divinités topiques gauloises (ville, bois). Ainsi, les Lares, Genius et Numen  – terme romain – est suivi d’un adjectif indiquant sur quoi ou sur quoi ils exercent leur protection.

En outre, les matres et matronae (déesses mères représentées assises sur un trône, ce qui symbolise leur fonction souveraine) sont assimilées aux divinités topiques de la maternité, de la procréation (abondance, vie, « fortune »). Elles protègent les femmes en couche, ce qui symbolise l’abondance dans sa forme féminine. Il est donc fréquent de voir des matres gallo-romaines portant des corbeilles de fruits. Elles sont souvent assimilées aux tribus ; Matres Nemausiacae (Nîmes), Matres Treverae (Trévires)…

Colonne de Jupiter à l’anguipède

Les grands dieux romains « s’implantent » bien aussi en Gaule. Ainsi, sous le règne de Néron, on dresse une haute statue de Mercure Dumias, dans la Cité des Arvernes, sur le Puy-de-Dôme. En outre, les peuples des Gaules romanisés qui ont pratiqué le commerce avant la conquête adoptent assez vite la figure de Mercure Mercalis, protecteur des marchands. D’autre part, les Gaulois vont donner lui donner comme compagne Rosmerta (qui porte la corne d’abondance), afin de conférer au héraut de Jupiter, un plus grand rôle de procurateur de richesses.

Mercure et Rosmerta

Quant à Mars, très populaire en Aquitaine et en Narbonnaise, il se voit attribué des surnoms s’inscrivant dans une tradition ancestrale gauloise ; Mars Mullo, Mars Alborix, Mars Rigisanus et Mars Canulus. Mars doit ainsi assurer le bien de la cives, du pagus ou de la civitas.

Jupiter est beaucoup plus présent dans l’Est de la Gaule, moins en Aquitaine. Il apparaît souvent sous forme d’un homme d’âge mûr, torse nu ou drapé d’un manteau de pourpre, avec le visage orné d’une barbe et tenant la roue (attribut de Taranis), ainsi qu’un sceptre.

Concernant les guérisseurs, Daniel Paunier a relevé que les Gaulois ont très vite adopté Esculape (qui porte souvent l’épithète d’Augustus), Apollon, Neptune, Mercure et Marc Caturix. Ajoutons que les dieux dont le culte est attesté à Trêves (Trévires) sont considérés comme « porteurs de Salut ». L’Apollon de l’Altbachtal et Apollon Grannus sont un peu les « héritiers » de dieux gaulois des eaux thermales et de la guérison.

Détail du Pilier des Nautes

Voyons maintenant plus en détail l’une des plus importantes sources de pierre gallo-romaines qui nous est parvenue.  Le pilier des nautes qui est a été découvert à Lutèce, incarne cette coexistence pacifique. Il mentionne dix-sept divinités, certaines portant un nom latin (Mars, Vulcain, Jupiter, Castor et Pollux, Fortuna et Apollon) et d’autre conservant leur nom gaulois (Esus, Tarvos, Smertrios, Rosmerta, Trigaranus, Sirona et Cernnunos). Smertrios est représenté sous les traits de Hercule, pendant que les divinités féminine apparaissent telles des Matres. Mercure apparaît enfin aux côté d’une Minerve-Rosmerta.

Sources :
– SCHEID John : La Religion des Romains, Armand Colin, Paris
– McMULLEN Ramsay : Le Paganisme dans l’Empire Romain, PUF
– LEGLAY Marcel : La Religion romaine, Armand Colin, Paris