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Soixante-dix ans de la campagne de Lorraine – Quatrième partie

2 – FLANC NORD DE LA IIIrd ARMY ; le XXth CORPS : OBJECTIF METZ

A – Le plan de Walker

– Le 28 août, lorsqu’il arrive sur la Meuse, le XXth US Corps de Harris W. Walker ne trouve face à lui que des petits groupes de fantassins et d’artilleurs antichars issus des 17. SS-Panzer-Grenadier « G.v.B » et 48. Infanterie Divisionen pour arrêter son avance. Mais en même temps, le carburant se fait de plus en plus rare pour les véhicules. Partie de Reims, la 90th Infantry Division « Tough & Ombres » arrive sur le flanc nord de Walker avec à peine de quoi faire chauffer les cuisinières. C’est seulement en siphonnant les réservoirs de camions de ravitaillement et de transport que les 7th Armored et 5th Infantry Divisions sont capables d’abattre les derniers kilomètres qui les sépartent de la Meuse.

– Heureusement, le résistance ennemie est faible et le 31 août, le Combat Command A/7th Armored du Colonel Rosebaum s’empare du pont intact de Verdun et libère la vieille cité, ce qui permet au XXth Corps de disposer d’une porte sur la Lorraine. Cela permet alors à Walker de faire passer la 5th Infantry Division de Leroy S. Irwin sur la rive droite de la Meuse à Verdun et d’établir une tête de pont. Mais pendant plus d’une semaine, le XXth Corps ne va pas plus loin et doit recevoir le ravitaillement nécessaire, excepté une patrouille du 43rd Reconnaissance Squadron qui fonce… jusqu’à la Moselle. Une autre patrouille mécanisée parvient jusqu’à Arnaville le 3 et une rumeur circule même au sein de la IIIrd Army que des éléments de la 7th Armored Division auraient même atteint Metz. Cependant, afin de ne pas diviser ses forces et d’économise le peu de carburant qui lui reste, Walker ordonne à ses unités de se replier sur Verdun.

– Dans la matinée du 11 septembre, le CC R/7th Armored du Colonel George H. Molony progresse le long de la grand-route Verdun-Metz pour atteindre Etain, à environ 9 km à l’est de la Meuse. La nuit précédente, le 3rd Cavalry Group du Col. F.W. Drury avait mis la main sur environ 18 000 litres de gasoil, soit assez pour expédier des blindés légers sur la Moselle. Si l’audace traditionnelle de la Cavalerie américaine paie localement, elle ne peut entraîner le reste du XXth Corps dans son sillage.

– Le même jour, plus au nord, un groupe du 43rd Reconnaissance Squadron remonte vers Longuyon (à 25 km au nord-est de Verdun) et surprend les quelques soldats allemands établis aux alentours de la ville qui préfèrent déguerpir. Mais un tir d’artillerie allemande rejette les cavaliers américains vers le sud-ouest.

Le Major.General Harris W. Walker, au centre

Le Major.General Harris W. Walker, au centre

B – La mauvaise surprise : la défense allemande


– Du côté allemand, le 4 septembre, le renseignement du Heeres-Gruppe B remet à Model le rapport suivant : « Il semble que la IIIe Armée américaine se regroupe pour lancer une grande offensive sur la ligne Mons – Charleville – Montmédy ». Mais l’échec des reconnaissances américaine sur l’axe nord – nord-est finissent par convaincre le haut-commandement allemand que Patton choisirait un autre axe d’attaque. Idée accréditée par l’immobilité des troupes américaines tenant le secteur de Sedan.

 

– Durant les quelques jours durant lesquels son XXth Corps était confiné dans une inactivité forcée, Walker établit des plans d’offensives qui devait mener son unité jusqu’à Mayence. Il en avait déjà été question durant les discussions préparatoires avec Patton en Grande-Bretagne. Mais l’état alarmant des réserves carburant du XXth contraint son chef à réviser ses plans avec bien moins d’ambition et d’optimisme. Et comme si cela ne suffisait pas, les fantassins des 5th et 90th Divisions était forcés de se déplacer à pied en attendant les pontonniers pour franchir la Meuse mais aussi – et plus grave encore – les rations. La 90th « Tough & Ombres » du Major.General Raymond S. McLain doit même attendre son 315th Combat Engineer Battalion (Génie), alors occupé à réparer un aérodrome près de Reims.

– Durant la soirée du 5 septembre, Walker s’entretient avec Patton qui lui ordonne de foncer sur le Rhin. En retour, il appelle ses trois commandants de division tour-à-tour pour se mettre en route en direction du Rhin. Il ordonne spécialement au Major.General Lindsay M. Silvester, patron de la 7th Armored « Lucky Seventh » d’ouvrir le passage aux 5th et 90th, par une progressions en plusieurs colonnes sur toute la ligne du XXth Corps, dans l’optique de prendre rapidement les derniers ponts intacts sur la Moselle grâce à la vitesse. Pour Patton, une fois passée la rive droite de la Moselle et la percée effectuée, la « Lucky Seventh » devra exploiter le succès en dépassant Metz pour ensuite saisir les ponts sur la Sarre. Enfin, l’anéantissement des forces allemandes défendant le secteur fortifié Metz-Thionville sera confié aux 5th et 90th Infantry Divisions. Seulement, le renseignement américain n’a pu encore glaner aucune information exacte sur l’état des forces allemandes défendant le secteur compris entre  la Moselle et la Sarre, ni même sur le terrain que les forces de Walker devront franchir. Le 3 septembre le G-2 (renseignement) du Corps remet à Walker un rapport résumant que « tout indique que les forces allemandes poursuivent leur repli ». Prévision optimiste mise très vite à mal par la reconnaissance mécanisée du XXth Corps qui rend compte d’une forte résistance allemande à l’ouest de Metz. Les officiers américains notent aussi que les quelques soldats allemands capturés ne font pas montre d’une forte baisse de moral mais font preuve d’une plus vive arrogance.

– Hormis un repli partiel effectué sur Conflans et Briey, les forces de la 1. Armee de von Knobbelsdorf tiennent solidement le terrain difficile qui couvre l’ouest et le nord-ouest de Thionville. Le 6 septembre, le G-2 revoit son jugement, estimant que le secteur compris entre le Luxembourg et Metz peut regrouper les forces allemandes les plus importantes sur le Front de l’Ouest. Mais il mésestime encore la défense entre Metz et Thionville.

L'une des ortifications ceinturant Metz

L’une des ortifications ceinturant Metz

– De son côté, Johannes von Blakowitz et Otto von Knobbelsdorf ne sont pas restés inactifs pour empêcher Patton et Walker de d’enfoncer le flanc droit de la 1. Armee. La 17. SS-PzGren. « Götz von Berlichingen » du SS-Oberführer Dr. Eduard Deisenhofer fait intégralement face au XXth Corps. On compte aussi des éléments de la 3. PzGren-Div. de Heckert, de la 15. PzGren-Div. d’Eberhardt Rodt et de la 21. Panzer-Division d’Edgar Feuchtinger. Cette dernière ayant été reconstituée après les fortes pertes des combats de Normandie.

– Les Américains ignorent aussi qu’elle est la force et localisation précise autour des défenses allemandes de Metz et le long de la Moselle. La seule source sur laquelle les Américains peuvent s’appuyer est une carte du Deuxième Bureau français datant de 1940. D’autres informations partielles ont pu être relevées par les unités de cavalerie du XXth Corps ayant poussé jusqu’à la Moselle. Mais pas assez pour dresser le détail des fortifications et des unités qui les garnissent.

– Hitler a explicitement ordonné que le secteur de Metz-Thionville soit défendu pour des raisons évidentes, en profitant du système fortifié de Metz hérité de la victoire sur le Second Empire en 1870. En outre, le système de défense de Metz a été étendu plus à l’ouest, créant ainsi une tête de pont fortifiée sur la rive occidentale. Le 5 septembre, l’Oberbefehlshaber-West estime les forces défendant Metz équivalent à 4,5 divisions. Seulement, il faut y compter des bataillons et des régiments autonomes mal armés, mal équipés et comptant parfois des recrues mal formées. Par exemple, la 48. Infanterie-Division (Generalleutnant Karl Casper) qui tient la ligne entre Longuyon et Thionville s’est faite sévèrement malmenée depuis qu’elle a quitté le secteur de Chartres, avant d’être renforcées par des troupes fraîches. La 559. VGD tient le sud de Thionville, flanquée sur sa gauche par tout un groupement de troupes de forteresse ou d’instruction sans véritable expérience du feu. Ses unités de qualité très moyenne sont alors regroupées sous la dénomination Division Nr. 462. A l’ouest de Metz, de petits groupes de la « Götz von Berlichingen » sont déployées le long de la route Abbéville – Mars-la-Tour. Même si elle a connu de lourdes pertes en Normandie, la « Götz von Berlichingen » reste néanmoins l’une des meilleurs divisions déployées sur le front de l’Ouest. Les Panzer-Lehr et 21. PzD, dont le renseignement américain estime le déploiement prochain rapide sont en effet proches du secteur de Metz. Enfin, la 106. Panzer-Brigade vient se placer derrière la 48. ID.

Soldats allemands sur l'une es coupoles du Fort Driant

Soldats allemands sur l’une es coupoles du Fort Driant

– Les Forts de Metz constituent une formidable barrière de fortifications qui s’avérera difficile à percer. Modernisés pour certains lors des travaux de la Ligne Maginot, ils formaient un ensemble moderne de coupoles en acier et de caissons en béton pouvant résister aux bombes. Seulement, la ligne des Forts de Metz manquait d’armement lourd étant donné que la dotation en canons avait privilégié le Front de l’Atlantique. Seulement le Fort Driant (du nom du courageux Colonel tué à Verdun). Mais en juillet 1944, des civils lorrains avaient été réquisitionnés pour renforcer les fortifications autour de Metz. En outre, des forts de plus petites tailles étaient dépourvus de troupes.

– La face orientale du plateau de la Meuse (380 m d’altitude) retombe dans la plaine de Woëvre avec une forte dénivellation. Au-dessus de Woëvre, le Plateau de la Moselle remonte progressivement à l’approche occidentale de Metz. L’extrême ouest du Plateau coïncide ensuite nettement à la route Conflans – Mars-la-Tour – Chambley.

– Début septembre 1944, le saillant de Metz s’étend sur une quinzaine de kilomètres dans un périmètre compris entre l’ouest de Metz et la Moselle. Sur la gauche, les positions allemandes gardent Arnaville, sur la Moselle, à environ 7 km du centre-ville de Metz. Sur la droite, l’Orne, affluent occidental de la Moselle, marque la limite du dispositif allemand à hauteur du village de Mondelange, environ 8 km au nord de Metz. Tout au sud, la position peut s’appuyer sur trois ravins qui segmentent les environs boisés du fleuve. La Rupt de Mad, tout à l’est de Metz, est traversé par la route Mars-la-Tour – Chambley qui atteint la Moselle à Arnaville. Ce ravin du centre passe ensuite dans le village de Gorze et atteint la Moselle à Novéant. Le troisième ravin, situé tout au nord, le Mance forme un « L » et traverse le Bois des Génivaux. Près de Gravelotte, le ravin redescend pour tourner finalement vers l’ouest pour couper les plateaux couronnant le Bois de Vaux et le Bois des Ognons. Juste à l’est de Gravelotte, la route principale entre Verdun et Metz traverse le partie inférieure du ravin de Mance. C’est principalement sur ces trois ravins que va s’ancrer une grande partie de la défense allemande.

– Au nord et à l’ouest du Bois de Vaux, deux villages – Rezonville et Mars-la-Tour – servent de positions avancées à la partie sud du secteur allemand. Ils bloquent la route principale vers Metz et contrôlent le passage du nord au sud à travers les ravins de Mance et de Gorze. Au-dessus de Gravelotte, le Bois des Génivaux et les abords boisés du Mance se combinent à une forte ligne défensive et masquent l’approche des forts allemands par l’est. L’arrière de cette ligne est formé de fermes transformées en réduits fortifiés.

– Au nord du Bois des Génivaux, les troupes allemandes placées en défense-avant s’accrochent à un plateau coiffé par les villages de Vernéville et Habonville.
La position allemande la plus forte ce situe toutefois au centre, sur le village d’Amanvillers, protégé par les canons de forts cachés par des crêtes boisées. Le plateau d’Amanvillers s’étend encore au nord sud la droite allemande. Dans ce secteur, la défense allemande comprend les villages de Saint-Privat et Roncourt.

– Mais la ligne principale des défenses allemandes est formée par une ligne qui s’étend du Bois de Jaumont et le long de la Crête du Bois de Fêves, avec toute une série de fortins. En somme, les hauteurs situées à l’ouest de Metz constituent un considérable avantage aux défenseurs. Des crêtes boisées et des ravins permettent à des unités de renfort de se déployer sans être remarquées par les yeux adverses. Le terrain difficile permet enfin à des petits groupes de défenses d’assurer un combat retardateur efficace.


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