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Soixante-dix ans de la campagne de Lorraine – Neuvième partie

V – LE XXth CORPS TENTE DE PRENDRE METZ

1 – Échec devant le Fort Driant 

Fin septembre, la 90th Infantry Division retourne à l’attaque contre le secteur du Fort « Jeanne d’Arc ». Baptisée « Thunderbolt », l’opération mis au point par le Major.General McLain consiste à exercer une poussée en force vers l’est depuis le sud de Gravelote et franchir le secteur de l’ouvrage « Jeanne d’Arc ». Pour donner de la force à son attaque, McLain déporte le 358th Infantry Regiment du nord au centre, en le relevant par la Task Force Polk (le 3rd Cavalry Group renforcé). Au centre, une journée plus tôt, le 359th Infantry du Colonel Robert L. Bacon avait déjà commencé à combattre pour dégager la route entre Gravelotte et la Ferme de Saint-Hubert. Mais en dépit de leurs efforts, les hommes de Bacon buttent sur une bonne défense. Mais plus grave, le stock d’artillerie alloué aux quatre bataillons d’artillerie de campagne de la Division sont bas et doivent être drastiquement rationnés. Du coup, McLain doit abandonner son plan. Au début du mois d’octobre, le front de la 90th Infantry Division reste calme et la Division en profite pour se reposer tout en affrontant le mauvais temps automnal qui s’abat sur la Lorraine.
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– Raymond S. McLain ne reste pas inactif pour autant et dresse un plan d’attaque sur une « grande échelle ». Il prévoit d’exercer une triple pression en force : le 357th Infantry du Colonel Barth doit enfoncer le flanc nord de la tête de pont allemande pour prendre Maizières-lès-Metz, pendant que les 358th  et 359th Infantry forceront les positions de l’ouvrage « Jeanne d’Arc » et enlever le Fort Driant de vive force.
En outre, au sein de l’état-major du XIIth Army Group, décision est prise de détacher la 7th Armored Division du XXth Corps pour l’attribuer à la Ist Army de Hodges décide Patton à abandonner définitivement le contournement de Metz par l’est.  Même si Patton et Walker ne peuvent se résoudre à abandonner, ils doivent se rendre à l’évidence ; la 5th Infantry Division d’Irwin – déjà fatiguée et saignée – n’a pas les moyens de tenir à la fois la ligne le long de la Moselle, tout en lançant un assaut contre le Fort Driant. Les unités d’Irwin se replient sans incident à l’ouest de la Seille et sous la protection de l’artillerie, tout en abandonnant Corny et Pournoy-la-Chétive dont la prise leur avait tant coûté. Mais le combat est loin d’être terminé pour la Division « Red Diamond », puisqu’elle reçoit la mission difficile de s’emparer du « Fort Driant » qui donne du fil à retordre à tout le XXth Corps.

– Walker décide de consacrer ses efforts à la prise du Fort Driant (rebaptisé « Kronprinz » par les Allemands). Les Américains ne connaissent grosso modo que le plan d’ensemble du Fort grâce aux photographies aériennes et non les détails comme les connexions avec les fortins alentours. Mais ils ont pu mesurer l’importance tactique qu’il représente grâce à sa position en hauteur et à son artillerie qui protège les approches le long de la Moselle. Construit en 1902 pour protéger Metz alors allemande, il a été tour à tour modernisé entre 1918 et 1944. Sa principale fortification culmine au sommet d’un massif boisé haut de 360 m. L’ouvrage principal est flanqué par quatre casemates armées de canons de 100 ou 150 mm, tandis que l’abord sud du fort est protégé par la Batterie « Moselle » consistant en trois canons de 100 mm placés sous tourelle. Enfin, l’ensemble de l’ouvrage était creusé en différents étages chacun doté d’un système d’aération et de tunnels, alors que l’extérieur est copieusement enlacé de fils barbelés. Von Knobelsdorf, commandant de la 1. Armee, prend soin d’approvisionner les défenseurs du « Driant » en eau, en munitions et en armes.

– Du côté américain, la mission de prendre le fort échoit au 2nd Infantry Regiment du Colonel Worrell A. Roffe et au 11th Infantry Regiment du Colonel Charles W. Yuill. L’état-major de Yuill et le renseignement de la Division doivent d’abord monter le plan d’assaut à l’aide de cartes au 1 : 50 000, avant qu’un officier du renseignement ne mette la main sur une carte du secteur de Metz au 1 : 20 000. De plus, un officier fournit aux Américains les plans des travaux de l’ouvrage qu’il avait cachés en 1940. Mais ses précieux renseignements n’arrivent sur la table de l’état-major de Yuill que le 29 septembre seulement.
280px-Map_Of_Driant– Le 29 septembre donc, alors que les P-47 d’Otto P. Weyland matraquent le Fort Driant à l’aide de bombes de 1 000 livres et de napalms, le Major.General Leroy S. Irwin donne le signal du départ. Malheureusement – une fois de plus – la pluie de bombes déversées par les appareils d’attaque n’entament guère les défenses du Fort Driant, ni même les canons. Les obusiers de 155 mm du 21st Field Artillery Battalion et les Tank Destroyers pilonnant les positions allemandes en tir tendu n’ont pas davantage de succès.

– A l’heure H, l’E Company du 11th Infantry s’élance dans les pentes boisées sous le couvert d’un écran de fumée fourni par les mortiers de 4.2 inches. La G Company et une compagnie du 818th Tank Destroyer Battalion suivent. Mais les Allemands ripostent très vite à l’arme légère, au mortier et à la mitrailleuse. Le combat dure pendant tout le reste de l’après-midi. Les Tank Destroyers tentent en vain d’entamer les embrasures abritant les mitrailleuses, en vain. A 18h30, Irwin donne l’autorisation à Yuill de retirer ses hommes, même si dix-huit hommes seulement ont été perdus.

– Le 30 septembre, Patton vient se rendre compte de la situation auprès de Walker et d’Irwin. Etonnement par rapport à sa réputation d’audacieux fonceur, il ne force absolument pas Irwin à se casser les dents sur le Fort Driant. Il l’autorise même à prendre davantage de repos, vu qu’un arrêt des opérations est prévu en octobre. Mais Harris W. Walker ne se montre pas aussi complaisant. Il insiste auprès de son subordonné pour que chaque Colonel et Commandant de Bataillon fasse montre d’une plus grande agressivité dans l’assaut. Irwin lui rétorque que les difficultés rencontrées par sa division sont plus grandes que ce qui avait été anticipé. Et il rappelle au commandant du XXth Corps que les photos aériennes ne montraient aucun emplacement de mitrailleuse ou de fils barbelés autour du fort. Lors d’une visite d’Eisenhower à Etain (PC de Patton), le commandant en chef allié défend l’idée de reporter l’assaut général pour reposer et ravitailler convenablement les unités. Patton estime quant à lui que l’on peut lancer des opérations localisées à condition de bénéficier du ravitaillement et des munitions adéquates, ce qui est le cas début octobre. Mais Irwin n’est pas d’accord et estime que sa division a encore besoin de repos et d’entraînement, convaincu que le Fort Driant doit être pris par une manœuvre d’encerclement. Or, pour se faire les troupes manquent, même si la 83rd Infantry Division (Robert C. Macon) commence à arriver en renfort.

– Cependant, l’état-major de Walker travaille minutieusement pour réussir la prise du Fort et amasse une importante réserve de munitions. Il ressemble aussi différents nouveaux équipements sortis des dépôts du Génie. Deux types d’engins sont particulièrement sélectionnés ; le Tank Dozer (un Sherman équipé d’une lame de bulldozer), adapté à l’attaque de fortifications et le « Snake » (« Serpent), consistant en un long tube d’acier chargé d’explosif pour faire exploser les fils barbelés. Le « Snake » n’étant pas évidemment sans rappeler la torpille « Bangalore » utilisé en Normandie. Enfin, toute l’artillerie du XXth Corps vient se placer en soutien de la 5th Infantry Division.

Bombardement du Fort Driant par les Thunderbolt du XIX TAC

Bombardement du Fort Driant par les Thunderbolt du XIX TAC

– C’est le 2/11th Infantry qui est désigné pour l’assaut avec le concours de la B Compagny du 1/11th et de 12 chars du 735th Tank Battalion. L’attaque doit s’effectuer par le nord-ouest et le sud-ouest du Fort. Les chars, les Tank Dozers et les éléments du Génie sont répartis à égalité auprès des compagnies d’assaut. Leur progression sera aussi couverte par les mortiers de 4.2-inch du 81st Chemical Mortar Battalion chargé de recouvrir la vallée entre Driant et Ars-s/-Moselle. La IXth Bombardment Division du Major.General Samuel E. Anderson assure l’appui aérien mais ses appareils ne pourront entrer en action que sur le coup de 12h00 en raison du mauvais temps matinal.
– L’assaut démarre en tout début d’après-midi avec l’entrée en action des équipes de « Snakes » et de l’artillerie qui tire des obus à haute capacité explosive. Les lignes de fils barbelés sautent. Ensuite, les Tank Dozers ouvrent la marche devant l’Infanterie mais les engins sont bientôt victimes de pannes mécaniques. La E Company/11th Infantry  est stoppée par un intense tir de barrage mais la B Company a plus de chance, puisqu’elle réussit à s’approcher de l’ouvrage principal par le sud sur le coup de 14h00. Appuyés par les chars, les GI’s et les équipes du génie procèdent méthodiquement à nettoyer les blockhäuse à coups de TNT, tout en forçant les défenseurs allemands à se retrancher dans les tunnels. Mais les charges posées entament difficilement les murs de béton. Sur le côté nord, les Allemands résistent bien et forcent la Compagnie de réserve du 2/11th à se replier et des « casseurs de chars » réussissent à mettre quatre Sherman hors de combat.

– Le 4 octobre durant la matinée, le Major.General Irwin ordonne au Colonel Yuill de s’accrocher au secteur du fort et d’étendre sa ligne, puis il envoie la K Company/2nd Infantry Regiment pour stabiliser la ligne. De vaines tentatives sont effectuées à l’aube pour percer la partie centrale du fort avec des lance-flammes et des explosifs, sous la menace sérieuse des tireurs d’élites allemands. Dans la nuit du 4 au 5, les défenseurs allemands ont encore l’audace d’effectuer une sortie contre leurs assaillants qui se solde dans un combat confus. Au matin du 5 octobre, les forts ceinturant le « Driant » ouvrent un feu d’enfer sur les Américains. Les observateurs d’artillerie du XXth Corps tentent de localiser les tubes ennemis dans la brume mais la contrebatterie ne donne pas de grands résultats. Deux obusiers allemands pilonnent allègrement le bois faisant voler les arbres en éclat. L’effet est dévastateur pour les deux compagnies d’assaut du 11th Infantry. En milieu d’après-midi, elles sont réduites à une simple force combinée. Mais Irwin ne veut pas céder, il confie une Task Force au commandement de son commandant-adjoint, le Brigadier.General Alan D. Warnock afin de casser définitivement la noix dure.

– Pendant la nuit du 5-6 octobre, le 1/10th Infantry (sans sa A Compagny) vient se placer sous le commandement de Warnock en remplacement des deux compagnies éprouvées. Par chance, les tirs allemands baissent en intensité, permettant à la relève de s’effectuer dans de bonnes conditions. A 11h00, le 3/2nd Infantry (sans ses I et K Coys) se joint à la TF Warnock, ainsi que tout le 7th Combat Engineer Battalion.
Le 7 octobre, Warnock relance un assaut général avec l’objectif de rejeter les Allemands de la partie sud-est du Fort, en profitant de la prise d’une portion de tunnel qui mène sous les casemates du même secteur.

Patton remettant une décoration au Brigadier.General Alan D. Warnock

Patton remettant une décoration au Brigadier.General Alan D. Warnock

– L’attaque démarre à 10h00 avec le 1/10th Infantry. Une compagnie de fusiliers s’avance lentement par l’ouest durant une marche d’approche de quatre heures et réduit au silence trois nids de mitrailleuses. Mais la tentative échoue en raison d’un violent tir croisé et d’une sortie des défenseurs allemands survenue à 16h15. Mais une section avait réussi à s’infiltrer dans l’un des tunnel, fermé par une porte en fer. Le génie fit sauter la porte mais il était encore bloquer par de vieilles machines. Pendant la nuit, grâce à des explosifs, les Américains réussissent à percer le tunnel mais ils sont repoussés par des défenseurs allemands abrités par derrière des sacs de sable. La situation reste confuse durant les 8 et 9 octobre. Irwing et Warnock ont déjà perdu 506 hommes dans l’affaire et l’ensemble des unités de la TF sont désorganisées.

– Tôt dans la matinée du 9, le Lieutenant.General Hobart R. Gay, représentant de Patton, Walker, Irwin et Warnock se réunissent. Warnock propose – quelque peu naïvement (H. McCole) –  qu’un nouvel assaut sera trop coûteux et qu’il vaudrait mieux dépasser l’ouvrage. Mais ce plan qui nécessite l’addition de quatre bataillons supplémentaires. Gay ordonne alors que les pentes du fort soient évacuées et que l’opération soit abandonnée. L’évacuation a lieu dans la nuit du 12 au 13, sans coup férir. Elle s’achève sur un fiasco tactique qui a encore épuisé moralement une partie des hommes de la 5th Infantry Division.

Major.General Otto P. Weyland, commandant du XIX TAC

Major.General Otto P. Weyland, commandant du XIX TAC

P-47 Thunderbolt, largement utilisé en Lorraine

P-47 Thunderbolt, largement utilisé en Lorraine

2-  L’attaque de la 90th Infantry Division à Maizières-lès-Metz

– La volonté de Patton de poursuivre des offensives aux objectifs limités découle de la nécessité de sécurisé des secteurs avantageux qui permettront de reprendre l’offensive après la pose. Sur le flanc nord du XXth Corps, le moyen le plus rapide de s’approcher de Metz consiste à saisir la route Thionville – Metz qui traverse toute la plaine entre la Moselle et les collines à l’ouest. En septembre, les opérations de la 7th Armored Division et de la 90th Infantry Division ont permis d’approcher Maizières-lès-Metz par le sud. Il s’agit d’une ville minière de 5 000 habitants située à 6 km du centre de Metz. La capture de Maizières-lès-Metz permettrait aux Américains, non seulement de se constituer une base solide sur un tronçon de la route Metz-Thionville, mais aussi de tourner les solides positions allemandes à l’ouest de Metz.

– Le 24 septembre déjà, McLain proposait que son 357th Infantry Regiment  du Colonel George H. Barth (ligne Talange – Saint-Privat) lance une attaque limitée dans le secteur de Maizières-lès-Metz dans le but de s’entraîner à l’attaque de fortifications.
Du coup le 3 octobre, alors que la 5th Division commence à se casser les dents sur le Fort Driant, 2 compagnies du 357th Infantry emmenées par le Major. Jack W. Ward déclenchent une attaque surprise à l’ouest de Maizières depuis le Bois de l’Abbé. Au prix de seulement quatre hommes perdus, les 2 compagnies s’assurent le contrôlent d’une longue crête dominant la ville. Le 6, la TF Polk vient relever le reste du 357th Infantry, permettant ainsi à McLain de procéder à la prise de Maizières. L’attaque est planifiée pour le 7 octobre avec le E Company (2nd Battalion) en tête pour pénétrer dans la ville par le nord-ouest depuis la route de Bronvaux. Dans son sillage, la G Company doit basculer vers le sud pour nettoyer la zone industrielle à l’ouest de la voie-ferrée Thionville – Metz, considéré comme le point fort de la résistance ennemie. Heureusement pour les Américains, les Allemands les aident malgré-eux en déclenchant une sortie avant l’aube pour dégager les deux compagnies de Ward qui les repoussent sans ménagement. La E Company bondit alors de ses positions sous le couvert des tirs de 2 Artillery Groups. La partie nord de la ville est rapidement conquise et les GI’s s’établissent solidement dans la zone industrielle. Mais leur avance est stoppée par des mines et des tireurs d’élite. Les Allemands expédient en hâte des renforts à la garnison, soit des éléments du Grenadier-Regiment 73 (19. VGD). Chaque maison – solidement construite – a été transformée en petit fortin avec sacs de sables et fils de fer barbelés. S’engage alors un violent combat urbain rue par rue, maison par maison. Le 8 octobre, le 2/357th Infantry progresse méthodiquement et lentement dans la zone industrielle et vers le centre-ville, en utilisant des charges de démolition et des lance-flammes, avec des Howitzer et des chasseurs de chars usant du tir tendu. Les mortiers de 4.2 inch maintiennent un rideau de fumée à la bordure sud de Maizières pour y aveugler les postes d’observation ennemis. Une section de chars est aussi envoyée en appui par le nord en profitant d’une zone déminée. Mais l’étroitesse des rues comme la présence de Panzerknäcker (« casseurs de chars ») armés de RPbZ-43 « Panzerschreck » et de Panzerfäuste rend l’utilisation des bindée risquée, ce qui explique le rôle mineur qu’ils vont jouer.

Insigne du 357th Infantry Regiment

Insigne du 357th Infantry Regiment

– Le 11 octobre, les Américains sont moins optimistes. George H. Barth informe McLain qu’il faudra 2 bataillons supplémentaires pour faire tomber Maizières. Mais McLain n’a rien à donner à Barth et le mieux que le Colonel puisse faire est de simplement relever son 2nd Battalion fatigué par huit jours de combats discontinus, par le 3rd durant la nuit du 12 au 13. Pire encore, l’état-major de la IIIrd Army informe McLain que les munitions qui sont fournies à l’artillerie d’appui – notamment aux pièces de 3-inches – vont être rationnées. McLain ne commandera pas la suite des opérations car il est promu à la tête du XIXth Army Corps (IXth Army) en remplacement de Charles H. Corlett. Le commandement de la « Tough & Ombres » revient alors au Brigadier.General James A. Van Fleet, ancien camarade de promotion de Bradley et d’Eisenhower à West Point. Mais Van Fleet a aussi commandé l’assaut du 6 juin sur Utah Beach à la tête du 8th Infantry Regiment et s’est distingué dans les combats urbains de Cherbourg.

– La ligne de front à l’intérieur de Maizières-lès-Metz reste calme, même si le 20 octobre, un Long Tom (155 mm) autoporté s’approche d’environ 140 m de l’Hôtel de Ville et y canonne les défenseurs allemands de dix coups, avant que la K Company du 357th ne s’attaque à l’édifice pour se faire repousser. Un nouvel assaut a lieu le lendemain avec plusieurs groupes de 10 hommes appuyés par des lance-flammes mais il tourne au jeu de massacre.

– Cependant, la IIIrd Army assure à McLain que sa division recevra l’appui nécessaire en artillerie pour reprendre son offensive en novembre elle est devenue prioritaire pour la prise de Metz. De son côté, bien que blessé, le Colonel Barth ne reste pas non plus inactif. Les 28-29 octobre, sans préparation d’artillerie, 6 compagnies manœuvrent au nord et au sud de l’Hôtel de Ville transformé en vulgaire tas de ruines par les obus de 240 mm et les mines explosées par les défenseurs qui ont évacué les lieux. Les seuls occupants que les GI’s trouvent le 29 sont quelques cadavres de soldats allemands.

– Le 30 octobre, le 357th Infantry tient presque tout Maizières et les approches du sud, même si les Allemands conservent des points d’observation au sud-ouest. Finalement, les pertes américaines ont été assez légères. Outre Barth, le 357th accuse la perte de seulement 55 officiers et soldats, bien en deçà des pertes allemandes. Barth, qui a mené son régiment de la Normandie à la Lorraine, part en repos pour laisser son commandement au Colonel Julian H. George.
Une fois de plus, les Américains ont pu démontré qu’une ville bien défendue pouvait être prise grâce à une bonne planification, une bonne coordination et une infanterie bien formée qui peut faire la différence avec un usage immodéré de l’Artillerie.

3 – Sur l’aile nord du XXth Corps

– Le renforcement de l’aile droite du XXth Corps est rendue possible par l’arrivée dès le 21 septembre de la 83rd Infantry Division « Thunderbolt » du Major.General Robert C. Macon, détachée du VIIIth Army Corps. La « Thunderbolt » a connu un baptême du feu particulièrement sanglant dans le bocage normand en juillet mais elle s’est emparée de Saint-Malo en août. Seulement, ses effectifs ont été complétés par un important apport de remplaçants qui ont encore besoin d’être formés au combat.
Les troupes de Macon prennent alors positions tout au nord du XXth Corps, soit à la jonction avec le Vth Corps (IXth Army). Patton avait déjà envisagé de lancer la 83rd Division derrière la Moselle à Remich, à mi-chemin de Thionville et de Trier, quand sont tombés les ordres du SHAEF de placer la IIIrd Army. Le 25 septembre, Macon dépolie un Regimental Combat Team sur la rive ouest de la Moselle près de Remich, ce qui permet à la TF Polk de se porter au sud de Thionville et de « libérer » le 358th Infantry, comme nous l’avons montré plus haut.

Insigne de la 83rd Infantry Division "Thunderbolt"

Insigne de la 83rd Infantry Division « Thunderbolt »

– La mission de la 83rd « Thunderbolt » se limite alors à nettoyer le saillant à l’ouest de Trier formé par la Moselle et la Sauer. Ce secteur n’est pas solidement tenu, la majeure partie des troupes allemandes s’étant repliée à l’est de la Moselle et au nord de la Sauer. Mais des détachements d’arrière-garde sont maintenus dans la petite tête de pont du Luxembourg, notamment à Echternach et Grevenmacher. Macon ordonne à deux de ses régiments de se préparer mais en ne mobilisant qu’une à deux compagnies chacun. Les autres compagnies connaîtront un entraînement à l’assaut des positions fortifiées dans les secteurs de la Ligne Maginot abandonnés par les Allemands. Le 1er octobre, la C Company/329th Infantry Regiment atteint les abords de Grevenmacher mais dépense quatre jours pour en rejeter l’ennemi solidement établi dans des maisons en pierre, avec l’appui de l’Artillerie et des chasseurs-bombardiers. Le 3/329th doit quant à lui combattre pendant près d’une semaine pour dégager Echternach, qui tombe le 7 grâce à un assaut coordonné avec les chars du 774th TB (Lt.Col. N.K. Markle Jr.). Le même jour, le 331st Infantry du Colonel Robert T. Foster chasse l’ennemi de Wormeldange au nord de Remich, mettant ainsi fin à toute présente de l’Armée allemande à l’ouest de la Moselle. Sauf que les trois villages se retrouvent assez vite sous la menace des canons allemands.

– Cependant, le 11 octobre, la 83rd Infantry Division repasse sous l’autorité du VIIIth Corps  de Middleton, à la jonction du flanc sud de la IXth US Army et du flanc nord de la IIIrd Army, soit au sud de Sierck-les-Bains. Durant le reste du mois d’octobre, la TF Polk reprend ses missions de patrouille et de surveillance sur la rive gauche de la Moselle, tout à la gauche de la IIIrd Army.


4 – La stabilisation du centre de la IIIrd Army (XIIth Corps)

– Lorsque l’avance de la IIIrd Army est stoppée à la fin du mois de septembre, le XIIth Army Corps d’Eddy conserve une position défensive favorable en dépit des difficultés de la 35th Division dont il était question plus haut. Le 3 octobre, le centre et le flanc droit (sud) d’Eddy sont définitivement consolidés. Toutefois, sur le flanc gauche, la 80th Infantry Division de McBride ne parvient pas à réduire les dernières défenses allemandes le long de la Seille entre Serrières et Moivron. McBride tente de régler définitivement la question en jetant la masse principale de sa division sur la partie du sud de saillant entre Moivron et Jeandelaincourt mais rien n’y fait. La défense acharnée de la 559. VDG a raison des efforts américains.

– Le 1er octobre, suivant les ordres de Patton, la 80th Division débute une série de petites attaques localisées pour réduire les secteurs avancés de la résistance ennemie à l’ouest de la Seille, là où les Allemands ont placé des Grenadiere (par section ou par bataillon) dans les petits villages lorrains, en particulier dans ceux bordant les routes menant vers la Seille. Dans la plupart des cas, la défense consiste en des garnisons solidement établies dans des maisons en pierre. Autre avantage aussi moral que pratique pour les défenseurs Allemands, contrairement à leurs adversaires ils n’ont pas à grelotter sous les fortes averses automnales. Les compagnies du 318th Infantry (Col. Lansing McVickar) éprouve les pires difficultés pour s’emparer des Quatre-Fers qui contrôle la route Pont-à-Mousson – Nomény, à la jonction des 318th et 319th Infantry. A chaque tentative américaine, les Allemands répondent à la mitrailleuse MG, au canon FlaK 38 de 20 mm et au canon antichar PaK. Mais après un pilonnage d’artillerie en règle, une compagnie du 319th Infantry réussit à s’emparer des Quatre-Fers avec l’aide de M36 Jackson du 808th TDB.

– Néanmoins, le 318th Infantry échoue à prendre Serrières après avoir subi de lourdes pertes. Le 317th Infantry du Colonel Warfield M. Lewis connaît la même malchance contre le village de Sivry par le II/Volksgrenadier-Regiment 1119 (553. VGD). Son 2nd Battalion perd la moitié de ses hommes dans l’affaire, soit plus de 400 hommes. L’arrivée de Howitzer M1 de 105 mm comme des pièces de la compagnie de canons du régiment qui pilonnent les habitations, permet à la G Company de prendre possession de Sivry. Mais une contre-attaque du Panzergrenadier-Regiment 8 (3. PzGrenDiv.) et d’un Bataillon du Grenadier-Regiment 1121 surgissant de la ligne Serrières – Mont-Toulon met en difficulté les hommes du 317th. Finalement, McBride doit ordonner la retraite et les 191 derniers défenseurs de Sivry quittent le terrain, avec la moitié de blessés.

– Le 5 octobre, Manton S. Eddy fait rédiger une Directive Opérationnelle montant une nouvelle attaque pour le 8 octobre avec la 80th Division, la 35th Division et la 6th Armored Division. La 80th Division reçoit aussi le renfort des « bleus » du 328th Infantry Regiment du Colonel Ben R. Jacobs, détaché de la 26th Infantry Division récemment arrivée en France.

– Alors que le XIIth Corps se regroupe avant la nouvelle offensive, les chasseurs-bombardiers du XIXth Tactical Air Command déclenchent un bombardement systématique des points fortifiés allemands à Moivron, Jeandelaincourt, Sivry et sur le Mont Saint-Jean. Bombardement coordonné avec l’une des armes favorites de Patton, les mortiers de 4.2-inch tirant des obus au phosphore. Eddy et son état-major prennent cette fois-ci le soin de bien préparer leurs manœuvres d’attaque, à la différence des improvisations tactiques du mois de septembre. Grâce au coopération des avions d’observation du XIXth TAC, les artilleurs peuvent opérer contrebattre les tubes allemands avec bien plus d’efficacité. Ainsi, treize missions de ce type permettent aux pièces du XIIth Corps de faire taire douze batteries allemandes.
Le 5 octobre toujours, trois Squadrons de P-47 survolent les secteurs des réserves et des lignes de communication allemandes et larguent 864 bombes à fragmentation sur le Bois de la Fourrasse (la zone principale de concentration ennemie derrière le massif de collines) comme sur le pont de la Seille à Nomény.

– Le 8 octobre à 05h15, tous les 17 bataillons d’artillerie du XIIth Corps comme ceux des divisions d’assaut et les mortiers du 86th Chemical Mortar Battalion, déclenchent un feu d’enfer d’une heure. Un traitement privilégié et particulièrement administré à Jeandelaincourt qui reçoit les tirs de cinq bataillons ! Et lorsque les trois divisions américaines bondissent de leurs positions à 06h15, Eddy ordonne à son artillerie d’allonger la portée pour frapper les batteries et les arrières allemands. Le patron du XIIth Corps fait là du Joukov, du Rokossovski ou du Koniev (NDLR) ! Pendant que les troupes terrestres progressent, les P-47 sortent en essaim pour frapper les positions allemandes entre Moivron et Jeandelaincourt.

– Le poids principal de l’assaut terrestre est porté par la 6th Armored Division de Grow dont l’objectif principal n’est autre que le plateau de Létricourt, dont la prise contraindrait les Allemands évacuer la rive gauche de la Seille. Organisé avec les deux-tiers de la force de combat de la « Super Sixth », le Combat Command B du Colonel Read fonce en fer de lance depuis Leyr, scindé en trois Combat Teams. Chars de tête du CT 50 (aile gauche) atteignent Moivron sur le coup de 06h45. Les Allemands se montrent alors bien moins tenaces, préférant se retirer ou se rendre en groupes dès qu’une de leurs positions est submergée. Toutefois, les hommes du 317th Infantry doivent relever les chars à Moivron.
Le CT 15 (centre) du Lieutenant.Colonel Emby D. Lagrew doit s’emparer de Jeandelaincourt et nettoyer les Bois de Brasquin et d’Ajoncourt, les tremplins des opérations du lendemain. L’avance vers les bois se déroule d’abord bien mais le CT subi des tirs de mitrailleuses et de mortiers jusqu’en fin d’après-midi, après qu’une compagnie d’infanterie eût nettoyé les bois. La force principale encercle Jeandelaincourt par l’est et le nord, pendant que la 80th Infantry Division pousse son effort sur la pente ouest du  Mont Saint-Jean avant d’expédier une partie de ses éléments vers la ville. Le gros de la garnison allemande tente de résister dans le quartier industriel. Des chars et des chasseurs-de chars pilonnent l’usine mais la besogne est achevée par des frappes directes de P-47. Lorsque les survivants tentent de sortir, ils se font cueillir par une mitrailleuses qui ne laissent qu’une poignée de survivants qui se rendent immédiatement. Gardant l’oreille sur sa radio, Robert W. Grow entend alors le Lieutenant.Colonel Lagrew s’exclamer : « ça dépasse mon plus beau 4 juillet ! »

– Sur la droite, le CT 69 qui avance vers Arraye-et-Han, est d’abord retardé à l’aube par le brouillard venant de la Seille. Mais à 13h00, chars et fantassins portés s’emparent de la ville. A l’est, la 35th Infantry Division de Baade envoie son flanc gauche sur la Seille, ce qui étend la ligne américaine sur Ajoncourt et Fossieux.
La manœuvre se solde par un succès puisque le CT 15 nettoie le Bois de Chenicourt. La ville du même nom est même laissée inoccupée par les Allemands.

– Sur l’aile gauche du XIIth Corps, l’avance de la 80th Infantry Division, épaulée par les « Red Devils » du  702nd TB de Talbot. Les Américains submergent rapidement les positions allemandes du massif de collines et des vallées. Alors qu’ils s’étaient heurtés à des défenseurs mordants les 1er et 2 octobre, les hommes de la « Blue Ridge » ne trouvent devant eux que des soldats littéralement assommés par le déluge de feu que leur a infligé les bouches à feu d’Eddy. Ironique car le 7, les GI’s avaient reçu des tracts de propagande les enjoignant de ne pas attaquer. A 06h55, le 318th Infantry de McVickar envoie un bataillon prendre possession du Mont-Toulon et à la fin de la journée, le régiment tient Lixières et Sivry. Le 317th Infantry de Lewis s’empare des pentes ouest du Mont Saint-Jean et avance vers le sud pour maintenir le contact avec la 6th Armored. A la fin de la journée, la 80th Division a ramassé 1 264 prisonniers appartenant à la 553. VGD.
En comparaison, les pertes américaines sont légères. On ne connaît pas les chiffres de la 80th Division mais le CC B de Read a perdu seulement 36 tués et 61 blessés et seulement 6 chars M4 Sherman (dont 5 réparables).

– Le 9 octobre, le CC B envoie ses Combat Teams pour nettoyer les Bois du Haut-des-Trappes et d’Aulnois qui couvrent Létricourt. Les Allemands sont alors complètement désorganisés et dispersés devant la brutalité et la rapidité de l’assaut mécanisé américain.  Arrivé dans le sillage du CC B, le CC A du Colonel Harry F. Hanson se jette sur le plateau de Létricourt. Mais sa CT 44 du Lt.Col. Lewis E. McCorison qui forme le flanc droit se retrouve prise sous un violent tir d’artillerie dans Chenicourt. A 13h30, McCorison fait savoir qu’il ne peut pas attaquer sur Létricourt en raison de lourdes pertes. Le CC B est alors forcé d’intervenir en renfort. Les combats font rage durant toute la jorunée mais le 317th ne peut arriver avant la tombée de la nuit pour prendre Létricourt. Le CC A a perdu 126 hommes dont 39 tués mais la « Super Sixth » a encore ramassé 650 Allemands. Le 10 octobre, la 80th Division relève les éléments blindés et nettoie les bois du plateau de Létricourt mais le village reste aux mains des Allemands. Ceux-ci lancent des contre-attaques, sans succès.

– Commence alors pour le XIIth Corps, une période de calme qui va durer jusqu’au 8 novembre, avec quelques interruptions. Le Corps d’Eddy est alors renforcée par la 26th Infantry Division « Yankee » du Major.General Willard S. Paul, issue de la National Guard débarquée en France le 7 septembre. La « Yankee » relève alors la 4th Armored Division.
Mais la situation du ravitaillement du XIIth Corps ne permet pas à Eddy d’utiliser la division en combat rapidement, car les véhicules de la 26th sont utilisés comme transports de ravitaillement et les GI’s doivent garder les lignes de communication. Et lorsque la division de Paul arrive dans les lignes de la IIIrd Army, elle n’a toujours pas acheminé l’ensemble de ses troupes ni tout son équipement. Elle n’est opérationnelle qu’à la mi-octobre. Pour lui donner de l’expérience, Eddy la charge d’étendre le saillant américain à l’est d’Arracourt, un objectif limité, pour le 22 octobre. Eddy lui adjoint alors l’expérimenté 704th Tank Destroyer Battalion. Mais la « Yankee » se bat plutôt bien en poussant à l’ouest de Moncourt et capte même l’attention de Patton.

– Les trois autres divisions du XIIth Corps prennent aussi un repos non démérité. Après la campagne de Normandie, elles combattent en Lorraine depuis un mois. Marlène Dietrich vient même donner un concert. Mais ce sont aussi les cuisiniers divisionnaires et régimentaires qui trouvent de quoi remonter le moral des fantassins et des tankistes grâce aux impressionnantes quantités de boîtes de bœuf allemand capturées à Reims et à Briey. Ce qui naturellement, change les soldats des Rations K.

– Mais l’autre urgence pour la IIIrd Army reste le remplacement des chars. Patton a ainsi perdu 63 chars légers Stuart et 160 Sherman (toutes unités confondues). La plus épargnée reste la 6th Armored de Grow mais la 7th Armored a particulièrement souffert. En outre, au vu du mauvais temps d’octobre, il est absolument inutile de faire manœuvrer les unités blindées dans les champs boueux. Et outre les chars, il faut remplacer des mitrailleuses, des FM BAR, des mortiers de 60 pour les unités d’infanterie. Or, les services logistiques de la IIIrd Army doivent compter soit sur le Red Ball Express, soit ponctionner sur les dépôts de Paris et de Reims.

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