Le phénomène « mid girl » sur les réseaux sociaux révèle une dangereuse tendance d’auto-dépréciation chez les jeunes femmes.
- Né sur TikTok en 2024, ce mouvement comptabilise plus de 134,7 millions de publications où des femmes s’auto-qualifient de « moyennes »
- Selon un sondage Ifop, 47% des jeunes femmes entre 18 et 24 ans n’aiment pas leur corps, illustrant l’impact des standards irréalistes
- Les risques psychologiques sont considérables : troubles de l’image corporelle, dépression et hausse des comportements suicidaires
- Des alternatives positives émergent comme les mouvements « Real Skin » encourageant une vision plus authentique et inclusive de la beauté
Le phénomène « mid girl » a explosé sur les réseaux sociaux en 2024, captivant l’attention de millions d’utilisateurs. Venu de l’anglais « middle » (milieu), ce terme désigne les jeunes femmes qui se perçoivent comme « moyennes » sur l’échelle de la beauté. Avec plus de 134,7 millions de publications sous le hashtag #MidGirls, cette tendance soulève de sérieuses questions sur l’image corporelle et l’estime de soi des jeunes femmes. Nous avons enquêté sur ce concept viral qui, sous des apparences anodines, cache des implications préoccupantes pour la santé mentale de toute une génération.
Les origines du phénomène mid girl : définition et émergence sur les réseaux sociaux
C’est sur TikTok qu’a émergé cette tendance qui a rapidement conquis la toile en 2024. Tout a commencé avec une vidéo publiée par Lily-Rose, une jeune femme de 22 ans, qui a cumulé 2,5 millions de vues. S’inscrivant dans la lignée du défi viral « Bien évidemment que… », ce concept a rapidement fait des émules parmi les utilisatrices de la plateforme.
Une « mid girl » se définit comme une femme qui se considère comme ordinaire, ni exceptionnellement belle ni particulièrement laide, et qui partage cette auto-évaluation publiquement. Les vidéos suivent généralement un format type, débutant par la phrase « Je suis une meuf mid car… » suivie d’autocritiques sur l’apparence physique. Les déclarations auto-dépréciatives deviennent ainsi une forme d’expression normalisée sur ces plateformes numériques.
« Je suis une meuf mid car aucun homme ne se retourne sur mon passage » ou « Je suis une meuf mid car personne n’est choqué quand je dis que j’envisage de faire de la chirurgie esthétique » sont des exemples fréquents de ces discours où les jeunes femmes énumèrent leurs supposés défauts et complexes physiques.
L’impact des standards de beauté sur l’auto-perception des jeunes femmes
Les critères esthétiques irréalistes véhiculés par les médias sociaux façonnent considérablement la manière dont les jeunes femmes se perçoivent. Le phénomène « mid girl » représente une conséquence directe de ces standards inatteignables qui s’imposent comme normes. La pression constante pour correspondre à ces idéaux de beauté crée un terrain fertile pour l’auto-dépréciation et la comparaison négative.
Selon un sondage Ifop de 2023, 47% des jeunes femmes entre 18 et 24 ans n’aiment pas leur corps. Plus révélateur encore, 59% éprouvent un malaise à l’idée de porter un maillot de bain en été. Cette tendance perpétue l’idée fausse que la beauté relève d’une échelle objective alors qu’elle demeure profondément subjective.
L’étude de l’IMCAS révèle que les 18-34 ans recourent davantage à la chirurgie esthétique que leurs aînés de 50-60 ans. Face à cette préoccupation grandissante, le gouvernement français a d’ailleurs interdit en mars 2023 la promotion des interventions esthétiques sur les réseaux sociaux, reconnaissant leur influence néfaste sur l’image corporelle et le stress lié à l’apparence.
Les dangers du phénomène pour la santé mentale des jeunes
Des risques psychologiques avérés
Marie-Estelle Dupont, psychologue clinicienne, alerte sur les risques considérables que comporte cette tendance pour l’équilibre mental des jeunes femmes. En réduisant les femmes à leur simple apparence physique, ce phénomène peut favoriser le développement de troubles de l’image corporelle comme l’anorexie, la boulimie ou la dysmorphie.
Les données de Santé Publique France montrent une dégradation inquiétante de la santé mentale des jeunes depuis 2020, particulièrement chez les 18-24 ans. L’enquête EnCLASS d’avril 2024 révèle que 14% des collégiens et 15% des lycéens présentent un risque important de dépression.
| Indicateur | Statistique | Population concernée |
|---|---|---|
| Insatisfaction corporelle | 47% | Femmes 18-24 ans |
| Malaise en maillot de bain | 59% | Femmes 18-24 ans |
| Risque de dépression | 15% | Lycéens |
| Comportements suicidaires | Hausse de 24,2% à 30,9% | Adolescentes |
Plus alarmant encore, les comportements suicidaires ont connu une augmentation significative chez les filles, passant de 24,2% à 30,9%. Pour les personnes en détresse, des numéros d’aide sont disponibles : ligne d’écoute dédiée aux jeunes (0 800 235 236) et numéro national de prévention du suicide (3114).
La génération Z face au phénomène mid girl : une vulnérabilité particulière
La génération Z, née après 1995, manifeste une sensibilité accrue à ce phénomène d’auto-dépréciation. Les jeunes femmes entre 18 et 25 ans traversent une période cruciale de construction identitaire, les rendant particulièrement vulnérables aux jugements extérieurs et aux standards esthétiques.
Ayant grandi dans un monde dominé par les réseaux sociaux et la culture de l’image parfaite, ces jeunes femmes ont intériorisé dès leur adolescence des critères de beauté souvent inaccessibles et filtrés. Les vidéos d’autodépréciation représentent parfois une stratégie préventive pour se protéger du harcèlement en ligne.
Certains observateurs estiment que cette tendance servirait à « remonter son ego » en quête de validation et de compliments. Cette normalisation de l’auto-critique féminine sur les plateformes numériques fragilise la confiance en soi des jeunes femmes à un âge déterminant pour leur développement personnel et social.
Vers une acceptation de soi : alternatives positives au phénomène mid girl
Face à cette tendance préoccupante, des approches plus constructives émergent pour encourager l’acceptation de soi. Les spécialistes recommandent de se réapproprier son corps à travers une activité physique plaisante, sans objectif purement esthétique. Diversifier ses loisirs et découvrir de nouvelles activités permet également de valoriser d’autres aspects de sa personnalité.
S’entourer de personnes ayant un rapport sain à leur corps constitue un facteur protecteur important. Des mouvements alternatifs comme « Real Skin » ou « #effyourbodystandard » proposent une vision plus authentique et inclusive de la beauté.
- Limiter l’exposition aux contenus perpétuant des standards irréalistes et privilégier les comptes promouvant la diversité corporelle
- Pratiquer la pleine conscience et l’auto-compassion pour développer un regard bienveillant sur soi
- Consulter un professionnel de la santé mentale en cas de troubles persistants de l’image corporelle
- Favoriser les échanges intergénérationnels pour relativiser l’importance accordée à l’apparence physique tout au long de la vie
Le rôle des réseaux sociaux dans la propagation du phénomène et les moyens d’y faire face
Les algorithmes des plateformes comme TikTok amplifient considérablement ces contenus, leur assurant une viralité fulgurante. Le format court et accrocheur des vidéos favorise leur diffusion massive, touchant un public toujours plus large de jeunes utilisatrices.
Les influenceurs jouent un rôle ambivalent dans ce phénomène, pouvant soit perpétuer soit combattre ces stéréotypes liés à l’apparence. Les parents, éducateurs et professionnels de la santé peuvent aider les jeunes à développer leur esprit critique face à ces contenus en encourageant le dialogue ouvert sur les questions d’image corporelle.
L’éducation aux médias dès le plus jeune âge devient essentielle pour apprendre à décoder les contenus des réseaux sociaux. Il importe de rappeler constamment que ces plateformes présentent une réalité filtrée, où les images sont souvent retouchées ou mises en scène pour correspondre à certains critères esthétiques. La beauté ne saurait se réduire à une échelle de valeur où l’on se classerait comme « moyenne » ou « exceptionnelle » – elle réside dans notre unicité et notre authenticité.

