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Campagne d’Alsace 1944-1945 – Sixième partie (Poche de Colmar)

7 – Les combats pour Jebsheim

– Le 22 janvier, alors que la 1re DFL éprouve des difficultés à franchir l’Ill, le 1er RCP du Lieutenant-Colonel Jacques Faure fait mouvement vers Guémar avec son 2nd Bataillon (Capitaine Ducasse) en tête, avant d’entrer dans le Bois de Colmar avec l’appui du CC N°6. Mais ensuite, il leur faut attaquer en direction de Jebsheim, petite localité située sur l’intersection en angle droit du Canal de Colmar et du Canal Rhin-Rhône. Mais les Allemands ont transformé le secteur en bastion. Pendant deux jours, parachutistes et GI’s du 254th Infantry Regiment mènent une âpre lutte autour du Moulin de Jebsheim face à des soldats décidés de la 30. SS-Waffen-Grenadier-Division appuyés par des chars camouflés. Le 24 janvier, de Lattre s’entretient avec le Major.General David G. Barr, chef d’état-major du 6th Army Group à Ribeauvillé, afin de réclamer des renforts avec insistance. Le 25 janvier à 03h35, depuis Vittel, Devers envoie un télégramme à de Lattre lui annonçant la subordination du XXIst Army Corps de Milburn à la Ire Armée Française. En 1946, de Lattre dira que cette décision a été celle « d’un grand chef » (P. Dufour).


–  C’est aussi le 25 janvier que Henri de Vernejoul déploie en triangle les formations de combat de sa 5e DB. Le CC N°6  de Boutaud de La Villéon attaque en tête sur l’axe Maison forestière de Niederwald – Moulin de Jebsheim. Le CC N°5 de Mozat progresse en arrière sur la gauche, pendant que le CC N°4 de Schlesser fait de même sur la droite. Mais les chars du 6e Régiment de Chasseurs d’Afrique (Colonel Jean Baguenault de Viéville) et ceux des Cavaliers de la Légion (4/1er REC) sont très vite pris à partir par les Panther de la « Feldherrnhalle », comme par les Nashorn et Jagdpanther des bataillons autonomes.

– Les blindés allemands sont peints d’un camouflage zébré de blanc et noir qui s’avère efficace par un temps couvert. Malgré la perte de 2 chars et de 1 M10 Wolverine, parachutistes et Chasseurs d’Afrique s’emparent du Moulin de Jebsheim sur le coup de 15h05. Mais l’attaque de la 5e DB accuse du retard en raison des difficultés rencontrées par la 1re DMI/DFL et la 3rd US Division. Monsabert et de Vernejoul appuient donc la progression de la 3rd « Rock of the Marne » avec les CC N°4 et N°5. Mais l’échec de la 1re DMI et du GT V  à percer au niveau du Carrefour 177, de Guémar et d’Eisenheim fait craindre une contre-attaque ennemie dans le secteur de Jebsheim. De Lattre et Monsabert ordonne alors à Henri de Vernejoul de s’assurer impérativement le contrôle de Jebsheim afin de briser toute volonté allemande dans ce secteur. On prévoit de lancer le 254th Infantry contre la localité dans la nuit du 25-26 janvier mais le Colonel Warren renonce à attaquer… car les armes de ses soldats ne peuvent être utilisées en raison du gel. Mais plusieurs messages radios annoncent sans fondement la prise de Jebsheim ; fausse nouvelle qui sème la confusion au sein des états-majors.

– Le 27 janvier, le 254th Infantry, le 1er Bataillon du 1er RCP (Commandant Le Bourhis) et le 3/RMLE du Commandant Boulanger repartent à l’assaut. Les Légionnaires s’emparent du cimetière de Jebsheim mais 2 compagnies du 1/1er RCP sont bloquées au sud. Le CC N° 4 de Schlesser parvient à faire tomber Wickerschwihr en liaison avec les « Dogface soldiers » d’O’Daniel. Pendant ce temps, les soldats du Colonel Warren et un sous-groupement du CC N°6 pénètrent dans Jebsheim. C’est en attendant leur relève par le reste du CC N°6 et 1 autre bataillon de Chasseurs Parachutistes. Mais c’est ce moment que les Allemands choisissent pour contre-attaquer. Jacques Faure expédie alors le 2nd Bataillon du RCP (Capitaine Carrière) pour rejeter les assaillants à l’est au sud de la ville, avec l’aide des Légionnaires. Ceux-ci, les Parachutistes, les Cavaliers du REC et les Chasseurs d’Afrique mènent alors un combat impitoyable afin de rejeter les Allemands de Jebsheim. Par – 23 °C, on se bat à l’arme légère, à la mitrailleuse, à la grenade, au bazooka, au Panzerschreck. Sherman, M 10 Wolverine, Panther et Jagdpanther sont aussi de la partie. Français et Allemands s’accrochent encore chacun dans deux parties de la localité.
Le 28 janvier, les combats reprennent toujours aussi féroces. Mais les Allemands finissent par lâcher prise. Finalement avant la soirée, les Allemands évacuent Jebsheim, laissant 200 morts dans les rues et les habitations. Le soir, le Colonel Boutaud de La Villéon lance un message par radio : « Nous tenons Jebsheim ».

Chasseurs-paras du 1er RCP

Chasseurs-paras du 1er RCP

– Sauf que Français et Américains ne sont pas au bout de leur peine. Himmler ordonne à Rasp de colmater les brèches sur la ligne Canal Rhin-Rhône/Mutzenheim – Jebsheim – Grussenheim. C’est la 2. Gebirgs-Division (Hans Degen) qui accoure pour empêcher les Français de percer vers le Rhin. De leur côté, le Colonel Mozat détache un sous-groupement Robelin de son CC N° 5 afin d’effectuer la liaison avec le XXIst Corps, avec le 1er BLE et une partie du 1er RA. Robelin et les FFL se portent alors au Moulin de Jebsheim pour appuyer l’attaque de la 2e DB sur Grussenheim. Pendant ce temps, le CC N°4 de Schlesser prend position dans le secteur de Riedwihr pour relayer le 15th Infantry Regiment dans la défense de Maison Rouge. Si la prise de Grussenheim atténue le danger sur le flanc du XXIst Corps de Milburn, Rasp ordonne à Thumm de lancer son offensive. Celle-ci survient le 28 avec brutalité. Thumm envoie la 2. Geb.Div., les Russes blancs de la 30. SS-Gren.Div, des soldats de bataillons disciplinaires et même des élèves officiers de la Junkersschule de Colmar. Les Allemands profitent du brouillard pour progresser mais les hommes de la 5e DB et du 1er RCP lutte tout aussi férocement. Les Chasseurs de montagne parviennent à reprendre pied au sud de Jebsheim mais ne peuvent aller plus loin. Les Français tiennent toujours malgré le manque de munition. La logistique du IInd Corps assure le ravitaillement des premières lignes par un moyen qui a fait ses preuves sur le front italien : les mules.

Insigne de la 2. Gebirgs-Division

Insigne de la 2. Gebirgs-Division

– En revanche, dans les derniers jours de janvier, la 1re DMI, la 2e DB et la 3rd Division ont réussi à franchir l’Ill à plusieurs endroits. Rasp et Thumm doivent arrêter leur effort. Les derniers éléments combattants du LXIV. AK ont tout donné. Mais dans la nuit du 29 janvier, les Allemands déclenchent un dernier tir d’artillerie. Ensuite, les Gebirgsjäger lancent une nouvelle puissante attaque. Légionnaires, Chasseurs paras et GI’s du 254th ne cèdent que quelques pouces de terrain durant des combats extrêmement féroces. Mais lorsque les Chasseurs d’Afrique et le REC veulent lancer des contre-attaques de soutien, plusieurs de leurs blindés sautent sur des Tellerminen que les Allemands ont soigneusement disposés dans les secteurs reconquis. Les démineurs américains doivent faire des prouesses pour dégager les rues. Mais à 19h00, Français et Américains se rendent définitivement maîtres de Jebsheim en lançant une contre-attaque coordonnée à trois régiments, blindés en soutien, contre le Gebirgsjäger-Regiment 136 et les quelques Jagdpanther. 500 cadavres d’Allemands jonchent les rues, pendant que les Alliés ramassent 600 blessés et prisonniers, avec une forte proportion d’Autrichiens.

– Mais les combats ne s’arrêtent pas pour autant. Ainsi du 31 janvier au 1er février, le 2nd Bataillon du 1er RCP, appuyé par l’Escadron Saint-Germain du 1er Chasseurs d’Afrique doit encore combattre durement pour prendre Wildensolen à des éléments accrocheurs du Geb.Rgt. 136. Mais c’est une bonne nouvelle pour la 5e DB et de Lattre. Wildensolen était les dernier verrou qui bloquait la progression du IInd CA vers Colmar.
Le 2 février, le 1er REC (Chef d’Escadron Lennuyeux) se regroupe et se lance dans une chevauchée en force vers Colmar qui bouscule les quelques éléments ennemis qu’il trouve devant lui. Le 1er RCP lui emboîte le pas et avance rapidement pour atteindre les faubourgs de Colmar. Mais le régiment du Lieutenant-Colonel Faure est épuisé ; 60 % de ses effectifs initiaux ayant disparu depuis octobre 1944. En revanche, au début du mois de février, Monsabert renforce ses positions en vue de libérer Colmar et d’attaquer vers Neuf-Brisach.

Insigne du 1er Régiment Etranger de Cavalerie

Insigne du 1er Régiment Etranger de Cavalerie

Source principale :
– DUFOUR Pierre : La Bataille de Jebsheim, Ligne de Front N° 51, septembre-octobre 2014