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Récit de la conversion de Paul Claudel à Notre Dame de Paris

Dramaturge, poète, écrivain et diplomate Français, Paul Claudel (1868-1955)  est aussi un converti. Voici des extraits du récit de sa conversion au catholicisme qui s’est produite le 25 décembre 1886 en la cathédrale Notre Dame de Paris. Un témoignage bouleversant et une expérience spirituelle singulière.

« En un instant, mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, de l’éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable. »

« En essayant, comme je l’ai fait souvent, de reconstituer les minutes qui suivirent cet instant extraordinaire, je retrouve les éléments suivants qui, cependant, ne formaient qu’un seul éclair, une seule arme, dont la Providence divine se
« Un Être nouveau et formidable, avec de terribles exigences pour le jeune homme et l’artiste que j’étais, s’était révélé que je ne savais concilier avec rien de ce qui m’entou­rait. L’état d’un homme qu’on arracherait d’un seul coup de sa peau pour le planter dans un corps étranger au milieu d’un monde inconnu est la seule comparaison que je puisse trouver pour exprimer cet état de désarroi complet. Ce qui était le plus répugnant, à mes opinions et à mes goûts, c’est cela pourtant qui était vrai, c’est cela dont il fallait bon gré, mal gré, que je m’accommodasse. Ah ! Ce ne serait pas, du moins, sans avoir essayé tout ce qu’il m’était possible pour résister.servait pour atteindre et s’ouvrir enfin le cœur d’un pauvre enfant désespéré : « Que les gens qui croient sont heureux ! Si c’était vrai, pourtant ? C’est vrai ! Dieu existe, Il est là. C’est quelqu’un, c’est un être aussi personnel que moi ! Il m’aime, Il m’appelle. » Les larmes et les san­glots étaient venus et le chant si tendre de l’Adeste ajoutait encore à mon émotion. »

Cette résistance a duré quatre ans. J’ose dire que je fis une belle défense et que la lutte fut loyale et complète. Rien ne fut omis. J’usai de tous les moyens de résis­tance et je dus abandonner l’une après l’autre des armes qui ne me servaient à rien. Ce fut la grande crise de mon existence, cette agonie de la pensée dont Arthur Rimbaud a écrit : « Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes. Dure nuit ! le sang séché fume sur ma face ! » Les jeunes gens qui abandonnent si facilement la foi ne savent pas ce qu’il en coûte pour la recou­vrer et de quelles tortures elle devient le prix. La pensée de l’enfer, la pensée aussi de tou­tes les beautés et de toutes les joies, dont, à ce qu’il me paraissait, mon retour à la vérité, devait m’imposer le sacrifice, étaient surtout ce qui me retirait en arrière.

Mais enfin, dès le soir même de ce mémorable jour à Notre-Dame, après que je fus rentré chez moi par les rues pluvieuses qui me semblaient maintenant si étranges, j’avais pris une bible protestante qu’une amie allemande avait donnée autrefois à ma sœur Camille et, pour la première fois, j’avais entendu l’accent de cette voix si douce et si inflexible qui n’a cessé de retentir dans mon cœur. »

 

Paul Claudel