– Dans la foulée de ses succès remportés après la percée d’Avranches, la IIIrd Army du Lieutenant.General George S. Patton fonce tout droit vers l’Est de la France dans l’espoir d’atteindre les frontières du Reich et même de mettre les pieds en Allemagne.
Forte de son formidable potentiel mécanisé et motorisé, la IIIrd Army poursuit les Allemands en retraite à travers la Champagne, l’Argonne pour atteindre la Meuse avec l’appui rapproché et efficace des P-51 Mustang et P-47 Thunderbolt de la IXth US Air Force de Lewis Brereton.
Malheureusement plusieurs éléments logistiques vont mettre sérieusement à mal la belle mécanique.
1 – PORTER LA GUERRE DANS L’ANTRE DU NAZISME, UN OBJECTIF BIEN PLUS DIFFICILE QUE PREVU
– Le 5 septembre 1944, constatant la retraite des forces allemandes de presque tout le territoire français – exceptées les poches, la Lorraine et l’Alsace – Dwight D. Eisenhower note dans son journal : « la défaite de l’Armée allemande est complète »… prévision très optimiste. De son côté, Patton estime que ses hommes et ses chars sont en mesure d’atteindre la Moselle et de pénétrer en Sarre par le Canal des Houillères de Moselle.
Pour l’heure, ses troupes se sont assuré le contrôle du Canal Rhin-Marne dans la région de Vitry-le-François et elles ont atteint la Meuse. Au nord, le Vth Corps de Leonard T. Gerow a libéré Mézières et Sedan ; au centre le XXth Corps d’Harris W. Walker a libéré Verdun et dégagé le cours moyen du fleuve pendant que le XIIth Corps d’Eddy s’est assuré le contrôle de la Neufchâteau et de sa région. Quant au XVth US Corps de Wade H. Haislip – avec la 2e DB dans ses rangs – il se tient plus en arrière en Haute-Marne dans la région de Chaumont.
– Comme le précise le Colonel Hugh McCole (historique de l’Armée américaine) : déboucher dans la Sarre pourrait permettre à Patton de foncer sur Saarbrück, franchir le « Westwall » (ligne « Siegfried »), prendre Saarlautern et Zweibrücken (Deux-Ponts) et de placer ses troupes à portée de fusil du Hardt, du Palatinat (Pfälzer et Bergland), de la Vallée du Rhin, de Mannheim, Darmstadt et Francfort.
– Mais voilà, le talentueux et bouillant manieur de chars américains doit déchanter. En effet, son avance fulgurante a épuisé sa logistique. Malgré les efforts du système de convoi routier appelé « Red Ball Express », le ravitaillement doit parcourir 800 kilomètres depuis leurs dépôts de Normandie pour atteindre la Lorraine. Et la IIIrd Army est presque totalement dépendante du RBE pour son ravitaillement en essence, vivres, armes, munitions et en pièces de rechange pour les véhicules. Et si les stocks sont importants, les rotations deviennent très difficiles. On connaît bien le mot de Patton : « Mes hommes peuvent bien bouffer leur ceinturon mais mes chars ne peuvent se passer d’essence ! ». Pire encore, les camions trop sollicités voient leur mécanique se dégrader. Et comme si cela ne suffisait pas, au vu des problèmes mécaniques engendrés par leur course jusqu’à la Meuse, les chars des Divisions blindées de la IIIrd Army ont vu leur effectifs sérieusement entamés en septembre. Et ce n’est pas peu dire. Comptant 682 Sherman de différents types, 165 chars légers M5A1 Stuart et 450 Tank Destroyers au début du mois d’août, les forces blindées de Patton n’alignent plus que 165 chars Sherman et 49 Stuart début septembre.
– Par conséquent Patton se trouve donc forcé revoir ses plans et d’immobiliser son armée durant près d’une semaine (du 1er au 5 septembre). Enfin, il ne pourra plus bénéficier du plein appui des appareils de la IXth US Air Force et notamment du très efficace XIXth Air Tactical Command (« Pete » Quesada) occupé à bombarder les poches de l’Atlantique. Les sorties sont donc réduites à 3 500 au lieu des 12 000 quotidiennes.
– Le plan de Patton est simple : progresser en trois axes depuis la Meuse pour forcer le cours de la Meuse et la Meurthe en libérant Arnaville et Metz (Walker), puis Pont-à-Mousson, Nancy (Eddy), puis rebondir en direction de la Sarre en repoussant ou détruisant les troupes allemandes situées entre la Moselle et la frontière franco-allemande. Pour cela, Patton dispose de 4 Divisions d’Infanterie (5th, 35th, 80th et 95th) et 3 Divisions Blindées (4th, 6th et 7th).
– Du point de vue topographique, la Lorraine est formée par un enchaînement de plateaux cultivés s’élevant graduellement de 200 à 400 m d’altitude. La région est étendue historiquement sur les départements de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle, de la Meuse et des Vosges, elle est délimitée à l’ouest par les Côtes de Meuse, au nord par la Sarre et au sud-est par le massif vosgien. Enfin, la région est parsemée de villages, petites villes et gros bourgs comme de ruisseaux et de rivières. Cette topographie n’est donc pas la plus propice à l’attaque et les Américains – puis les Français – vont être souvent contraints d’attaquer les positions ennemies montées. Ajoutons à cela que la Meurthe-et-Moselle et la Moselle comptent plusieurs villes situées sur l’ancienne ceinture de forts bâties dès 1873 par le Général Séré de Rivières, ainsi que dans le dispositif plus récent de la Ligne Maginot. Ce qui représente de quoi assurer aux forces allemandes une défense difficile à détruire.
2 – LA DÉFENSE ALLEMANDE
– Comme le précise bien Hugh McCole, le commandement allemand ne néglige pas la défense de la Lorraine pour protéger les frontières du Reich mais aussi le bassin minier et industriel de la Sarre, vital pour l’Economie de guerre allemande.
Du coup, le Generalfeldmarschall Gerd von Rundstedt, commandant de l’Oberbefehlshaber West (Haut-Commandement à l’Ouest qui couvre la Hollande, la Belgique, le Luxembourg et l’Est de la France) – comptant 48 Division d’Infanterie, 14 Panzerdivisionen et 4 Panzer-Brigaden – confie la défense de la Lorraine au Heeres-Groupe G (Groupes d’Armées G) du Generaloberst Johannes Blaskowitz.
– Pour la Défense de la Lorraine, Blaskowitz peut déjà compter la 1. Armee commandée par le General der Panzertruppe Otto von Knobelsdorff (ancien de Stalingrad et de Koursk) couvrant une ligne comprise entre Sedan et Nancy. Von der Chevallerie peut en outre compter sur les fortifications érigées par les Français comme sur le Fort de Metz. Au nord, le LXXXII. Armee-Korps du General der Artillerie Johannes Sinnebuher défend un secteur compris entre la Moselle, Thionville et Metz avec les éléments de la 462. Volks-Grenadier-Division (VGD), la 559. VGD et la 17. SS-Panzergrenadier-Division « Götz von Berlichingen ». Le secteur entre Metz – Pont-à-Mousson – Nancy est tenu par le XLVII. Panzer-Korps (General der Panzertruppe Hans Freiherr von Funck) avec la 3. Panzer-Grenadier-Division au nord, la 15. PzGrn-Div au centre et la 553. VGD au sud (Nancy).
– Le secteur compris entre la région de Chaumont-Neufchâteau et le Massif vosgien est défendu par une partie de la 19. Armee (Friedrich Wiese), soit le LXVI. Reserve-Korps du General der Artillerie Walter Lucht avec des éléments de la 21. Panzer-Division.
– Sur ordre de von Rundstedt, les éléments du HG G en Lorraine sont renforcés par la 19. Infanterie-Division, les 36., 416. et 553. VGD, par des éléments de la 11. PzD (Sarreguemines), ainsi que par les 106 « Feldherrnhalle)., 111., 112 et 113 Panzer-Brigaden.
Cependant, la capacité combattive des Volks-Grenadier-Divisionen (« Grenadiers du Peuple » ; nouvelle dénomination pour les Divisions de Grenadiers) est nettement réduite par manque d’équipements, de moyens mécanisés et d’armes lourdes. En outre, l’Infanterie allemande souffre d’une ingériorité numérique de 1 contre 2, tout en devant compter sur l’apport de vieillards, de sourds, de malades et même de muets. Chaque VGD compte six bataillons de combattants au lieu des neuf réglementaires en 1942. L’infériorité en artillerie est beaucoup plus criante à 1 contre 25. Et il en va de même pour les chars avec un rapport de 1 contre 20 en moyenne (si l’on tient compte de l’ensemble des forces américaines).
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